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Les lois sur l’adultère marquent avec bien plus de force encore la puissance maritale. Au xvie siècle encore ces lois restent terribles. La matière est régie par l’authentique de Justinien sed hodie. Cette loi condamne la femme infidèle à être fouettée puis enfermée pendant deux ans dans un monastère. Au xvie siècle, elle est appliquée à la rigueur. Combien de fois à cette époque, des femmes infidèles furent, par arrêt d’une cour de justice, condamnées à être battues de verges ! Parfois des raffinements de cruauté s’ajoutent à cette peine. Après avoir été trois fois battue, une femme fut conduite dans les rues de sa ville avec deux chapeaux de diverses couleurs « sa robe troussée de telle façon qu’il ne lui demeure que sa chemise… et à chaque carrefour être arrêtée pour être gaudie du peuple[1] ».

Sans doute au xviiie siècle ces usages barbares ont disparu. Mais le mari n’en a pas moins, après réunion du conseil de famille, le droit de faire enfermer pendant deux ans l’épouse infidèle et si, au bout de ce laps de temps, il n’a pas jugé bon de la reprendre, elle doit être rasée, voilée et enfermée dans le monastère, sa vie durant. Morte au monde, elle voit ses biens partagés dans la proportion de deux tiers à ses enfants ou à ses parents, et un tiers au monastère.

Une simple lettre de cachet suffit à l’époux trahi pour tirer de sa femme cette terrible vengeance, et l’aventure de Sophie Monnier montre que si, parfois, sous l’action lénifiante des mœurs, la loi semble s’endormir, elle n’en subsiste pas moins dans toute sa rigueur.

Mieux, le droit pour le mari de tuer l’épouse surprise en flagrant délit d’infidélité n’est plus, comme au temps de Beaumanoir, inscrit en toutes lettres dans la loi. Mais il y a au xviiie siècle, comme sous le Code Napoléon, une jurisprudence favorable au mari trompé… « Le mari, écrit un jurisconsulte, n’a pas le droit de tuer sa femme mais, s’il le fait, il obtient assez facilement des lettres de rémission[2]. »

De l’avis des jurisconsultes, d’ailleurs, mieux vaudrait pour le mari trompé ne pas saisir d’armes dans l’arsenal des lois et ramener sa femme par la douceur. Il éviterait ainsi, pour lui-même le ridicule, pour son épouse le déshonneur.

Envers ces époux qui poursuivent leurs femmes infidèles d’une

  1. Répertoire de jurisprudence : Adultère.
  2. Ibid.