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dité que l’entière différence qu’ils ont mise entre leur sexe et le nôtre » [1].

La supériorité masculine c’est, en réalité, l’usurpation masculine appuyée sur un préjugé commun. On reconnaît ici la thèse de Poulain de la Barre, qui sera reprise au xixe siècle par Stuart Mill.

Il est curieux de constater que des écrivains catholiques sont pleinement d’accord sur ces points avec les plus libres des philosophes et les plus émancipés des apologistes de la femme. Pour Philippe de Varennes, « les âmes des deux sexes sont également parfaites, et si la disposition organique du cerveau, différente dans toutes les têtes, fait qu’elles produisent différemment leurs pensées, raisonner un peu moins solidement est peu de chose eu égard aux qualités excellentes que les femmes ont en commun avec nous ».

« Si les femmes sont aujourd’hui considérées comme inférieures, ce n’est pas seulement la nature qui l’a voulu, ni la volonté divine, car Dieu n’a mis la femme dans la dépendance de l’homme que conséquemment à l’ordre de ses desseins, mais cette différence n’a rien de la dépendance ni de la servitude… et Dieu punit toute supériorité comme une supériorité usurpée. » En réalité, c’est toujours l’usurpation masculine qui a amené cette infraction aux ordres du Créateur, Cette usurpation, une abdication volontaire des femmes l’a facilitée. « Les femmes n’estiment point assez leur sexe, elles apportent peu de soin à en défendre les prérogatives » [2]. Remarque d’allure paradoxale et cependant bien profonde. Elle restera vraie pendant plus d’un siècle. Car du jour où les femmes désireront fortement l’égalité des sexes, elles l’obtiendront en effet. La théologie et la morale naturelle de J. Philippe de Varennes sont peut-être moins orthodoxes[3] qu’il n’imagine. Quant au P. Caffiaux, il pratique le féminisme intégral, absolu, et juge la femme meilleure, plus intelligente, plus courageuse que l’homme, faite mieux que lui pour conduire le monde dans les voies de la Providence. C’est que, malgré eux, les hommes d’Église même se laissent gagner par les nouvelles idées et ils s’efforcent de montrer que l’esprit du christianisme est d’accord avec elles.

Pour Boudier de Villemert, comme pour Philippe de Varennes, il y a bien de légères différences entre les sexes et, comme le chapelain du roi les déclare conforme aux desseins de la Providence, le

  1. La femme n’est pas inférieure à l’homme, Londres, 1750.
  2. J. Philippe de Varennes, chapelain du roi. Les hommes.
  3. Les avis des pères établissent nettement qu’il y a entre les sexes rapport de dépendance.