Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/397

Cette page n’a pas encore été corrigée

sentiment, source de toute bonté et de toute joie, le prestige que prennent à ses yeux romantiques les grandes passions, l’admiration qu’il éprouve justement pour la vie de famille, que la femme fera plus que l’homme à son image, tempèrent la rigueur de ses principes et la virulence de ses anathèmes. On pourrait trouver chez lui, nous le verrons, un certain féminisme romantique dont les articles essentiels sont la liberté du cœur et l’exaltation du rôle de la mère qui passera chez Boissel et chez les saint-simoniens.

N’importe, en face des Voltaire, des Montesquieu, des Helvétius, suivis par tous les apologistes masculins et féminins de la femme, Rousseau apparaît bien comme le leader de l’antiféminisme. Mais il est un chef d’école dont les idées auront moins de retentissement de son vivant même qu’après sa mort. Avant la Révolution, seuls quelques romanciers philosophes, tels Restif de la Bretonne, suivent Rousseau et développent en les exagérant fortement, voire en les poussant jusqu’à l’absurde, ses conclusions. Elles seront articles de foi pendant la Révolution. En ce qui regarde leur conception des droits et des devoirs de la femme, la plupart des hommes politiques de la Révolution, Prudhomme aussi bien que Chaumette et Robespierre, sont des disciples de Rousseau. C’est ce qui expliquera la défaveur marquée avec laquelle ils accueilleront les tentatives d’émancipation féminine.

Les idées de Voltaire, Montesquieu, Helvétius, au contraire, après avoir rencontré une assez grande faveur de leur temps, s’éclipsent à la fin du siècle ; elles reparaîtront très fortes au xixe siècle et formeront la base des théories de Stuart Mill et de tous les féministes anglais et français.

Nous savons maintenant dans quelle mesure les écrivains du xviiie siècle se sont intéressés à la question féministe, nous voyons de quelle manière ceux des écrivains, et ils sont nombreux, qui s’y intéressent, l’envisagent, et comment les solutions générales qu’il donnent sont en rapport avec leur tempérament et leur système philosophique, nous avons déterminé les grands courants d’idées. Voyons maintenant quelles solutions particulières ils apportent à chacun des problèmes particuliers dont se compose la question féministe.