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plus large) est donc extrêmement abondante, quoique d’inégale valeur[1].

ii. Divers courants d’idées

Chacun aborde d’ailleurs la question féminine avec son tempérament, ses tendances propres et lui donne la solution en rapport avec son système du monde et son caractère. Et, suivant ces idées et ce caractère, les solutions qu’il apporte sont bien différentes.

Un juriste comme Montesquieu, esprit extrêmement positif et réaliste, regarde ce qui est, constate que, dans le passé et dans le présent, les femmes ont gouverné familles et empires et, sans se lancer dans le domaine de la théorie, sans se déclarer formellement pour l’émancipation, suggère au lecteur la conviction que seule cette émancipation résoudra nombre de contradictions.

Voltaire, indigné des injustices sociales, les combat avec autant de véhémence, lorsque la femme en est victime, que lorsqu’elles atteignent les dissidents religieux persécutés. Et son libre esprit arrive à concevoir l’idée de l’égalité foncière des sexes conditionnée par l’égalité des aptitudes intellectuelles. Pendant les années où dure sa liaison avec Mme du Chatelet, Voltaire est vraiment féministe. Après la mort de son amie, ses convictions s’estompent un peu et, tout en restant l’ami généreux des faibles, il ne trouvera plus la netteté de ses affirmations antérieures. Il ne pourra s’empêcher, dans certains de ses articles, du Dictionnaire philosophique, par exemple, de faire quelques concessions aux préjugés courants.

S’il n’a pas employé toute sa force, toute sa verve, ni surtout beaucoup de méthode, à détruire le préjugé des sexes, il était réservé à son disciple Condorcet de tirer de ses principes la conclusion logique : théoricien avant tout, ne voulant considérer les choses que sous le rapport du juste et de l’injuste, Condorcet, lui, pousse ses principes, qui sont ceux de Voltaire, à leurs dernières conséquences. Et il est le seul à détruire de fond en comble le préjugé des sexes pour établir sur ses ruines une nouvelle société.

Helvétius, pour qui tout se ramène à une évolution produite par le jeu des forces naturelles et parfois le coup de pouce de la volonté humaine mari d’ailleurs d’une femme intelligente et pratiquement émancipée, ne peut se résoudre à voir aucune différence de nature

  1. Dans la Bibliographie, nous avons donné les titres de tous les ouvrages que nous avons eu entre nos mains.