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amour et communauté de vie des deux époux ou indifférence conforme aux usages mondains. Liberté de la femme ou assujettissement[1].

Un Révérend Père de la Compagnie de Jésus, le P. Caffiaux, publie sa Défense du beaux sexe, mémoire historique, philosophique et politique pour servir d’apologie aux femmes[2].

L’ouvrage, peu original, est une compilation de la plupart des apologies et, en particulier, un démarquage de Poulain de la Barre, mais il aborde d’une manière assez complète tous les aspects du problème féminin. Féministe intégral, le P. Caffiaux revendique l’égalité des femmes dans les domaines littéraire, familial, social. Il est curieux et significatif de voir un Père Jésuite prendre pareillement position.

Enfin, comme il est naturel, les femmes de lettres conscientes de leur valeur, et contrairement à une George Sand, par exemple, la portant à l’actif de tout leur sexe, ont maintes fois déploré l’assujettissement des femmes, cherché à prouver leur égalité intellectuelle ou, tout au moins, discuté sur la liberté du cœur. Quelques-unes, Mme de Puisieulx, Mme Dupin se lancent dans de vraies apologies auxquelles leur situation mondaine assure un grand retentissement. En général, la vraie femme de lettres, qui est en même temps une femme du monde, a la discrétion de ne pas écrire d’apologie. Mais dans ses lettres, dans ses mémoires, dans ses romans, dans ses tragédies, comme les Amazones de Mme du Bocage, ses convictions apparaissent à chaque instant.

Dans les Avis d’une mère à son fils de Mme de Lambert, dans les Lettres péruviennes de Mme de Graffigny comme dans les romans et les études de Mme Riccoboni, de Mme Belot, de Mme de Robert, mainte idée est lancée qui fera plus tard son chemin. Il faut convenir d’ailleurs que, peu hardies la plupart du temps, sinon dans leurs principes, du moins dans leurs conclusions, toutes ou presque, même Mlle Archambault qui soutient, en 1736, une polémique large et animée avec le chevalier de L…, restent dans le domaine psychologique et littéraire et s’élèvent assez rarement jusqu’aux considérations sociales et économiques qui font, pour nous, l’intérêt de la question.

La littérature féministe (si l’on prend ce mot dans son sens le

  1. Allainval. L’école des bourgeois (1718). — Destouches. L’ingrat (1712) ; le philosophe marié ou le mari honteux de l’être (1727). — La Chaussée. Le préjugé à la mode (1735). — Saurin. Les mœurs du temps (1761).
  2. 3 vol., Amsterdam, 1759.