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Ces droits, la femme, comme le seigneur, haut ou bas justicier, a cessé depuis fort longtemps de les exercer elle-même. Mais la femme seigneur, pourvue des droits de justice, a conservé comme l’homme la prérogative de nommer elle-même juge ou procureur de juridiction. Nous voyons assez fréquemment des femmes exercer ce droit,

La marquise de Mirabeau, à Nigreaux, la plupart des femmes seigneurs de Bretagne investissent, en effet, de leurs fonctions, les juges ou procureurs qui les suppléeront dans l’exercice de leurs droits[1]. C’est là une des survivances les plus curieuses de l’ancienne souveraineté attachée au fief.

L’office de juge n’est d’ailleurs pas le seul auquel la femme propriétaire de fief puisse nommer. Elle nomme aussi les sergents chargés du droit de police sur les terres, les notaires[2], et même dans telle ville comme Hennebont, le geôlier des prisons royales.

Lorsqu’il s’agit de très importants domaines comme ceux que possède en Lorraine Anne, palatine de Bavière, princesse d’Arches et de Charleville, la femme tient en mains la domination de très nombreux fonctionnaires. Nous voyons, en effet, la dite palatine investir un contrôleur général des deniers communs, des contrôleurs généraux de l’hôtel de ville et de l’hôpital de Charleville, un trésorier général des domaines, un consul de la ville et police[2]. Une autre possède et peut vendre le droit de nommer un commandant d’une place forte[3].

Quelques femmes, qui possèdent dans leurs seigneuries de petits bourgs, peuvent également nommer les conseils et exercent un droit de contrôle sur les affaires municipales, par exemple l’approvisionnement du bourg[4], ou peuvent changer la composition du Conseil municipal[5].

Par quelques exemples de femmes seigneurs, que nous emprunterons particulièrement aux provinces du Midi, où nous avons trouvé des inventaires d’archives plus complets, nous pouvons connaître, dans un assez grand détail, les droits effectivement exercés, à la veille de la Révolution, par une femme seigneur. La

  1. Arch. Départ., Côtes-du-Nord, B. 1145, B. 1189, E. 1200 ; Vaucluse, B. 1157.
  2. a et b Ibid. et Mayenne, B. 1473.
  3. Mme de La Tour vend à Mme d’Archimont, pour son mari, le commandement de la place de Rodemach. Arch. Départ., Lorraine, E. 66.
  4. Arch. Départ. Gard, E. suppl. 800.
  5. Requête des habitants d’Arley, à la comtesse de Lauraguais, pour que le conseil municipal reste composé tel qu’il est. Arch. Départ. Jura, C 44.