Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/344

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne peuvent non plus passer pour un chef-d’œuvre : elles s’apparentent aux plus médiocres des tragédies de Voltaire, ou à celles de La Harpe, à côté duquel l’Almanach des grandes femmes place en effet Mme  de Bocage, croyant lui faire un grand compliment.

Le genre comique ne semble avoir été abordé, en dehors de la collaboration fournie par Mme  Favart aux œuvres de son mari, que par une seule femme, Mlle  de Saint-Léger, « fille d’un médecin de la Faculté, point jolie, auteur déjà d’un roman » [1], qui donna aux Variétés Amusantes : Les deux Sœurs. C’était la première fois qu’une femme abordait le théâtre forain[2], et la représentation fut attendue avec impatience. EUe ne déçut pas trop l’attente. « Les deux Sœurs sont, dit un contemporain, écrites en prose si heureusement qu’on les prendrait pour de la poésie véritable » [3], et Mlle  de Saint-Léger eut une réputation d’auteur comique. Bien qu’Olympe de Gouges eut, dès avant la Révolution, débuté dans la carrière littéraire, écrit déjà plusieurs pièces de théâtre et tenu sa place parmi les femmes-auteurs, nous la passons cependant sous silence, ses pièces ayant été présentées sans succès au Théâtre Français et n’ayant vu les feux de la rampe qu’au début de la Révolution.

En somme, si les femmes tiennent une place, et assez vaste, dans l’histoire du roman français, il n’en est pas de même de celle du théâtre. Leurs pièces sont des tentatives parfois heureuses, mais exceptionnelles, tout comme celles qu’on faites leurs descendantes au xixe et au xxe siècles[4]. Il en est de même dans la poésie pure à laquelle d’ailleurs le siècle fut peu favorable. En dehors de Mme  de Beaumer, qui a écrit deux belles odes (l’une est une paraphrase du Cantique chanté par les Israélites en l’honneur de leur délivrance) qui ne manquent ni d’inspiration ni de majesté, dont la facture poétique est habile et qui fut peut-être la seule femme vraiment poète, quoi qu’elle ait rarement manifesté ses dons[5], deux femmes s’acquirent en des genres divers une renommée : Mme  du Bocage et Mlle  Bourette, la muse limonadière. Mme  du Bocage osa rivaliser « avec succès », dit sans ironie l’Almanach des grandes fem-

  1. Bachaumont. Mémoires secrets.
  2. Ibid, 1783.
  3. Almanach de nos grandes femmes.
  4. Il est à remarquer, en effet, qu’alors qu’on trouve aujourd’hui tant de femmes de lettres, aucune n’a acquis une réputation de dramaturge.
  5. On ne connaît d’elle que deux pièces de vers citées dans l’Histoire littéraire des femmes françaises.