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dotes du xive siècle, Mme  de Batteville ou la veuve parfaite) ; les romans philosophiques de Mme  Robert[1] (Voyage de milord Céton dans les sept planètes ou le Nouveau Mentor), qui, conçus suivant la formule de contes fantastiques de Voltaire ou de Diderot, sont tout imprégnés de l’esprit des physiocrates, doivent, à des titres divers, marquer dans l’histoire du roman féminin. Aucun, d’ailleurs, ne se signale par des qualités de style ou de pensée remarquables, mais ils se tiennent dans la moyenne des sentiments et des idées de leur temps et montrent que les courants d’idées (préoccupations pédagogiques, désir de réformes, esprit satirique) ont pénétré les femmes de lettres comme leurs confrères.

Mieux peut-être que dans le roman, les femmes semblent avoir réussi dans le conte merveilleux où elles sont servies par leurs gracieuses facultés imaginatives et leur maternel désir d’amuser l’enfance : Les contes de fée de d’Aulnoy sont célèbres à juste titre et d’Aulnoy a révélé ailleurs (dans ses Souvenirs d’Espagne, par exemple) de vrais dons d’écrivain. Ceux de Mme  de Murat, sans avoir conquis la même popularité, sont pleins de délicatesse et d’une lecture assez agréable pour qu’on puisse les comparer, sans que cette comparaison soit pour eux écrasante, aux contes de Nodier.

Quoi qu’en disent l’Histoire littéraire des femmes françaises[2] et l’Almanach de nos grandes femmes[3], aucune femme ne s’est vraiment distinguée dans la poésie ou dans le théâtre.

Sans doute, quelques-unes ont chaussé le cothurne ou le brodequin.

Mme  de Graffigny, qui prétendait aux lauriers du dramaturge comme à ceux du romancier, donna Cénie (1755), qui fut grandement appréciée, bien que l’intrigue en soit terriblement embrouillée, et, peu après, la Fille d’Aristide, dont la chute fut si complète que l’auteur, déjà malade, mourut de chagrin (1758)[4]. Bien qu’il en fut jugé autrement à son époque et que sa renommée fut européenne[5], on ne saurait dire qu’elle possède ni le sens du théâtre ni les qualités de style qui rendent une œuvre durable.

Les Amazones, de Mme  de Bocage, qui eurent un succès d’estime,

  1. Qu’il ne faut pas confondre avec Mme  Robert de Kéralio.
  2. Abbé De La Porte. Histoire littéraire des femmes françaises.
  3. Paris, 1789.
  4. Histoire littéraire des femmes françaises.
  5. Elle recevait une pension de Marie-Thérèse d’Autriche.