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des femmes gui se soumettent à cette cruelle opération » [1]. D’autres convulsionnaires, telle Mlle  Nisette, qui, en 1737, fut célèbre à Paris, mangeaient des charbons ardents. De tels exercices, qui ressemblent singulièrement à ceux des fakirs de l’Inde, ne s’expliqueraient que par une sorte d’hystérie mystique, à laquelle les femmes sont plus disposées que les hommes.

Or, ces tortures volontaires furent pendant de longues années un élément essentiel de la propagande janséniste.

L’exaltation des convulsionnaires les portait parfois à des actes d’une extraordinaire hardiesse. Un jour l’une d’elles s’écria, en pleine Chapelle de Versailles, que « le roi avait un sort sur la langue, que son mariage était nul et que ses enfants n’étaient pas de lui ! » [2].

La folie mystique d’un petit nombre de femmes qui servit d’instruments à la propagande janséniste est d’une moindre signification encore que la résistance passive opposée par un grand nombre de femmes à l’application de la bulle Unigenitus. Pour une convulsionnaire, soulevée par une crise de folie mystique, souvent d’ailleurs passagère, on trouve vingt femmes qui, sous l’influence de prêtres jansénistes, ou de leur propre mouvement, se montrèrent toute leur vie des adversaires acharnées de la Constitution, s’efforcèrent d’en détacher leur entourage et tous ceux sur lesquels elles pouvaient avoir quelque influence, entretinrent dans leur famille, dans les couvents, dans le peuple parisien et la bourgeoisie provinciale la résistance à la Bulle et que leur conviction raisonnée, celle-là, et non impulsive, rendit fortes jusqu’à leur lit de mort, où elles confessèrent leur foi.

Un précieux document : la Nécrologie des défenseurs de la Vérité[3] nous montre que parmi ceux qui refusèrent d’accepter la Constitution et qui, faute de cette acceptation, moururent privés des derniers sacrements, il n’y eut guère moins de femmes que d’hommes.

Ces femmes appartiennent aux classes les plus diverses de la société. On trouve, mais en assez petit nombre, des représentantes de la grande noblesse, telle Mme  de Jaucourt, la théologienne amie de l’évêque de Senez ; Mme  de Mondonville, fondatrice de la maison des Filles de la Sainte-Enfance, à Toulouse ; la marquise de Genlis qui, ancienne pénitente de Soanen et fondatrice d’écoles de charité dans ses domaines de Soissons et de Beaumont, s’efforça d’y répan-

  1. Grimm. Loc. cit.
  2. D’Argenson. Loc. cit.
  3. Nécrologie des défenseurs de la vérité.