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type de la bourgeoise de son époque. La plupart des femmes de la bourgeoisie sont de ferventes catholiques. De cet état d’esprit général, les preuves abondent. Ce sont les testaments des innombrables bourgeoises de province qui laissent à l’Église des legs petits ou importants, selon leur fortune, mais toujours avec la pensée d’assurer leur salut éternel. C’est la vie même de ces bourgeoises où la messe, les exercices religieux tiennent bien la plus grande place, à la fois par l’effet d’un sentiment plus profond et parce que la vie mondaine est moins absorbante que pour les femmes de la haute société. C’est enfin l’appui que, sous la Révolution, le clergé réfractaire a rencontré chez les femmes de la bourgeoisie, qui lui ont si fréquemment offert, pour la célébration de messes clandestines, leurs maisons.

Si, au cours de la période révolutionnaire, le catholicisme s’est maintenu en France, c’est parce que, dans sons ensemble, la femme de la bourgeoisie est restée catholique. Et si elle n’a pas perdu la foi en 1789, c’est donc qu’elle la possédait encore, sinon très ardente du moins toujours vivace, au cours des années qui ont précédé la Révolution. Ce qui est vrai de la bourgeoise est vrai aussi de la femme du peuple, de l’ouvrière comme de la paysanne. L’une et l’autre sont restées profondément attachées à la religion. Sans doute cet attachement n’empêche pas toujours, nous l’avons vu, un manque de respect envers ses ministres ; il n’en est pas moins profond encore. Ne voit-on pas non seulement des paysannes le marquer par des legs faits aux églises, mais de simples servantes se constituer des bibliothèques théologiques et discuter sur les questions de la grâce et de la bulle Unigénitus[1] ? Quelle preuve meilleure du sentiment religieux chez la femme du peuple que le rôle joué par la servante de la famille Calas ? Cette La Viguière, catholique convaincue, pousse Louis Calas à adjurer le protestantisme et son action contribuera à déterminer chez Marc-Antoine Calas la crise de conscience qui aboutit à son suicide[2] !

L’histoire révolutionnaire, encore, nous fournit des preuves de la persistance du sentiment religieux chez la femme du peuple. Si le clergé constitutionnel n’a pu que difficilement s’implanter, si les prêtres réfractaires ont trouvé tant d’appuis avoués ou clandestins, c’est que dans les campagnes, particulièrement dans celles de l’Ouest, les femmes étaient avec eux. Michelet le remarque fort justement : l’empire exercé par le prêtre catholique sur la femme qui met à son

  1. Babeau. Artisans et paysans.
  2. Dubédat. Histoire du Parlement de Toulouse.