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clôture, ni à un total renoncement. Mais dans les autres ordres religieux, la vie est à peu de choses près semblable, autant du moins que le permettent les ressources de la communauté. Dans tel établissement, comme l’abbaye bénédictine d’Almenèches, on voit, à mesure que le siècle s’avance, le besoin des commodités de la vie, ou même du luxe, devenir de plus en plus grand et les religieuses ne pas hésiter à obérer les ressources de la communauté pour le satisfaire ; elles font venir des eaux minérales, onguents, drogues, liqueurs, articles de Paris, s’abonnent au Mercure de France ; l’abbesse même commande son portrait[1]. Des monographies de chaque ordre, de chaque communauté montreraient des exemples semblables. Aussi le goût du bien-être et du luxe, général au xviiie siècle, n’épargne pas les religieuses. Ce n’est pas seulement le goût de la bonne chère qui apparaît chez elles, c’est aussi un besoin de distractions mondaines. Dans sa célèbre Religieuse, Diderot dépeint un couvent où, outre les jeux renouvelés de Sapho, les religieuses, lasses de la sainteté, prennent grand plaisir à jouer sur le clavecin des airs profanes et à fredonner l’ariette légère. La Religieuse est un pamphlet. Mais comment ne pas croire qu’il renferme une très grande part de réalité quand nous constatons que la principale préoccupation des abbesses et prieures est de ramener parmi leurs filles un peu d’esprit religieux ?

D’ailleurs, avec l’esprit de renoncement, les religieuses semblent avoir perdu l’esprit d’obéissance. L’histoire des divers ordres religieux féminins montreraient quels efforts acharnés, et vains le plus souvent, ont dû faire les abbesses, supérieures ou prieures, pour rétablir une autorité peu respectée et essayer de rétablir dans leurs couvents un esprit vraiment monastique.

Naturellement Remiremont, ordre qui n’a presque plus de religieux que le nom, nous en donne les plus fréquents et les plus caractéristiques exemples.

Dès le xviie siècle, une abbesse de Remiremont, Catherine de Lorraine, avait, avec l’appui du pape, essayé d’imposer aux chanoinesses le retour aux vœux d’obéissance et de chasteté et l’obligation de la clôture. Les chanoinesses protestèrent, firent briser les portes élevées autour du monastère et obtinrent finalement gain de cause[2].

Au xviiie siècle, les abbesses furent choisies très jeunes, parfois

  1. Arch. Depart., Orne. Introduction à la scène H.
  2. Arch. Départ., Meurthe-et-Moselle, G. 2 et 3.