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La vie commune est une obligation facilement éludée. Point de cellules austères ni de préaux, ni de réfectoire dans l’abbaye de Remiremont, mais des maisons de plaisance disposées autour du cloître et ouverte à tous les bruits, à tous les plaisirs mondains, et où « les compagnies, dit encore Montaigne, sont reçues en toute liberté ».

« Répudier toutes les gênes de la vie religieuse pour n’en garder que les avantages matériels, en réduire les devoirs au célibat temporaire et à la célébration de l’office divin, se débarrasser de la clôture, des trois vœux, de l’habit monastique et de la vie commune. Interdire avec un soin jaloux l’accès de ces riantes demeures à toutes les roturières, faire du bien de l’Église le patrimoine d’une caste, et d’un couvent de Bénédictines un séminaire des filles à marier, et recouvrir toute cette décadence d’un magnifique apparat de culte extérieur et de charité, telle est l’œuvre qu’accomplirent en Lorraine les religieuses des quatre abbayes de Remiremont, d’Epinal, de Pousssay, de Bouxières-aux-Dames[1]. »

Ce tableau de la vie des chanoinesses est, dans ses grandes lignes, fidèle. Les chanoinesses, particulièrement celles de Remiremont, ont en effet réduit au minimum les obligations de la vie religieuse. Sont-elles d’ailleurs encore vraiment des religieuses ? On se l’est demandé à leur époque et depuis. En tout cas, elles sont des religieuses sécularisées et leur organisation, comme leur vie, symbolise bien l’esprit aristocratique tout puissant même dans la religion, et la décadence des ordres religieux.

Elles ne sont d’ailleurs intéressantes qu’à ce seul point de vue. Sauf pour les aumônes que leur communauté distribue, elles ne jouent aucun rôle social.

Sans être aussi sécularisées, des abbayes comme celles de Fontevrault, du Panthémont, de Chelles, de l’Abbaye au Bois, riches et peuplées de dames de l’aristocratie, orgueilleuses de recevoir en pension les filles des rois de France, auxquelles elles dispensent d’ailleurs une éducation assez négligée, pourvues d’importants domaines, sont également touchées par l’esprit du monde. Les abbesses et les sœurs de ces diverses communautés apparaissent plus comme des grandes dames que comme des religieuses.

Toute autre est la vie des religieuses des ordres qui, établis à une autre époque plus récente, organisés suivant les règles posées au xviie siècle par des réformateurs religieux, devaient, dans leur

  1. Mathieu. Loc. cit.