Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/294

Cette page n’a pas encore été corrigée

que dans telle généralité, comme celle ce Riom, où, dit-il, non sans doute sans exagération, les dépenses pour les enfants exposés sont aussi élevées que dans toutes les autres parties du royaume[1], les ménages légitimes ou autres prenaient trop souvent l’habitude de se débarrasser de leurs enfants.

Par souci de moralité et pour des considérations d’ordre pratique, on est donc amené à encourager toutes celles qui le peuvent, c’est-à-dire les mères légitimement mariées à élever chez elles leurs enfants.

En 1788, le service des enfants trouvés à l’Hôpital général de Grenoble est réorganisé sur les bases suivantes : seuls les enfants illégitimes ou orphelins seront à la charge de l’hôpital et, sous aucun prétexte, le bureau de l’hôpital ne recevra des enfants légitimes ayant père et mère. Mais, pour procurer aux pauvres citoyens le moyen de nourrir ou de faire nourrir leurs enfants, on leur paiera une rétribution en argent jusqu’à l’âge de dix-huit mois, rétribution fixée à trois livres par mois pour les mères qui ne nourrissent pas elles-mêmes et à quatre livres par mois pour celles qui nourrissent elles-mêmes. Il leur faudra d’ailleurs faire constater régulièrement qu’elles s’acquittent de ce devoir ; tous les trois mois elles devront, pour toucher leur pension, présenter leur enfant à l’hôpital. Celles qui ne nourrissent pas elles-mêmes devront faire connaître la localité où elles mettent l’enfant en nourrice et présenter un certificat du curé de la paroisse constatant l’existence et l’état de l’enfant[2].

Ainsi voilà une fort intéressante et généreuse tentative pour encourager les mères à élever, mieux à nourrir elles-mêmes leurs enfants et en même temps à assurer leur vie matérielle pendant les années qu’elles remplissent ce devoir. Il ne semble pas que cette mesure ait été généralisée. Cependant, un peu partout, les hôpitaux généraux installés dans les localités les plus importantes considèrent comme leur incombant le devoir d’assurer la subsistance des enfants trouvés.

Et comme l’a déjà recommandé, en 1739, le contrôleur général Orry[3], la tendance prévaut de les placer à la campagne, où ils prendront le goût des travaux agricoles, plutôt que de les élever

  1. Elles se montaient, pour cette seule généralité, à 63 939 livres. Arch. Départ., Puy-de-Dôme, C. 1324.
  2. Arch. Départ., Isère, E. 27-28.
  3. Arch. Départ., Puy-de-Dôme, C. 1329.