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mêmes y recouraient fréquemment ; plus fréquemment, elles abandonnaient leurs enfants.

Le fait est si connu que, dans tels villages, les habitants s’étaient spontanément organisés pour empêcher de tels crimes.

« Il est rare, écrit en 1740, à l’intendant de Rennes, un de ses subdélégués, il est rare que des enfants soient exposés dans nos campagnes ; cette rareté provient de ce qu’à l’église les personnes du sexe se mettent dans un lieu séparé des hommes ; aucune d’elles n’échappe aux regards curieux des connaisseuses… Celles-ci avertissent ceux qui ont caractère et qui prennent des précautions pour que la personne déclare sa grossesse[1]. »

Depuis le règne de Henri II, il est vrai, l’autorité royale avait pris des mesures pour obliger toutes les filles en état de grossesse à en faire la déclaration. Périodiquement, le gouvernement rappelait aux intendants, dont les subdélégués étaient chargés de le faire savoir aux curés de leur ressort, l’obligation pour les curés de publier de trois mois en trois mois, au prône, l’édit de Henri II.

Cet édit, on le sait, frappait de peines sévères les femmes capables de dissimuler leur grossesse et surtout d’abandonner leurs enfants[2], et les dispositions en étaient parfois appliquées avec rigueur. Dans le Maine, les femmes qui ont caché leur grossesse continuent d’être battues de verges et marquées ; partout les infanticides sont pendues[3] et, dans la crainte du châtiment, quelques filles-mères font leur déclaration de grossesse dans les termes voulus et, suivant les mesures complémentaires de l’édit de Henri II, présentent leur enfant tous les trois mois au juge de leur ressort[4].

Cependant les mesures répressives étaient évidemment insuffisantes et l’on fut amené à envisager le problème sous d’autres aspects : réduire le nombre de naissances illégitimes en protégeant les jeunes filles contre la séduction, encourager la maternité par certains avantages, assurer enfin le sort des enfants abandonnés.

La recherche de la paternité est en une certaine mesure établie, toute fille-mère ayant le droit de dénoncer son séducteur devant les tribunaux et d’exiger une réparation. Celle-ci est d’ordre divers suivant les juridictions et les cas. En principe, le séducteur pouvait être condamné à mort sur accusation de « subornation », à moins

  1. Arch. Départ., Ille-et-Vilaine, C. 1284.
  2. Cf. Supra.
  3. Arch. Départ., Corrèze, B. 655.
  4. Arch. Départ., Mayenne, B. 1673.