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de vraies furies qui lui arrachent les cheveux, lui jettent des poignées de cendre dans les yeux, puis lui enlèvent les papiers qu’il porte et les jettent dans une mare[1]. L’exaspération contre la tyrannie féodale, contre la lourdeur abusive des impôts, les femmes le ressentent comme les hommes. De tels incidents le manifestent clairement.

xiii. L’esprit public féminin

Si nous cherchons à dépasser les manifestations individuelles pour apercevoir les manifestations collectives, si nous essayons de déterminer, autant que faire se pourra, l’esprit public féminin, nous aurons fait une étude dont la portée sera bien plus considérable. Les femmes ont joué un tel rôle, et jusqu’ici assez peu mis en lumière, dans la formation de l’esprit public sous la Révolution, que la connaissance de leur psychologie et de la manière dont elles réagissent devant les actes du pouvoir doit être d’une importance toute particulière.

Si les femmes ont participé aux journées révolutionnaires, ce n’est pas absolument une nouveauté dans l’histoire et, sans remonter jusqu’à la Ligue ou à la Fronde, où nous voyons non seulement de grandes individualités féminines mais la masse du peuple agir, les manifestations collectives féminines contre les autorités furent, au xviiie siècle, assez fréquentes. Quelques-unes ont pour seule cause la misère. Des femmes de Thiers, mécontentes du travail, trop peu rémunérateur à leur gré, qu’elles font dans les ateliers de coutellerie de la ville, s’assemblent nombreuses et réclament d’être employées aux travaux de réfection des routes.

Le subdélégué de Thiers refusant de les admettre à un genre de travail pour lequel elles sont peu préparées, l’une d’elles, leur porte-parole, répond qu’elles resteront dans la rue jusqu’à ce qu’on leur ait donné entière satisfaction ; le subdélégué expose à l’intendant que la situation est grave. Dès ce moment il y a donc manifestation collective et nous voyons une femme porte-parole des intérêts féminins[2].

Dans la même région, à Maurs, après une disette, des femmes à qui l’on a pas distribué de riz s’assemblent et font une émeute, réclamant à grands cris leur part[3].

  1. Arch. Départ., Dordogne, B. 1506.
  2. Arch. Départ., Puy-de-Dôme, E. 6678.
  3. Arch. Départ., Puy-de-Dôme, C. 911.