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uniformément docile. On trouve parfois chez elles un curieux esprit de haine contre les nobles qu’elles servent ou de rébellion contre les autorités établies.

Une paysanne de Lacaze aperçoit dans une une auberge la litière de la marquise de Brassac et la met en lambeaux[1]. Là, une servante rencontre dans la rue un notaire royal et sa fille et les frappe si fort qu’ils tombent contre la muraille[2]. Là encore, la femme d’un laboureur, Marie Lachèze, refuse de porter une lettre que lui confie son maître et se bat avec le sergent royal[3].

L’église même n’était pas toujours respectée et souvent le curé était en butte aux moqueries et aux huées de ses paroissiennes. Anne Montignaud, habitante de Lamerac, assistant au jour de prône, se précipite sur le curé, lui arrache des mains le monitoire qu’il est en train de lire et le met en pièce[4]. Dans un village du Quercy, plusieurs femmes de l’endroit, dont une sage-femme, empêchent le curé de lire son monitoire en parlant haut et à la fois[5].

À quel motif obéissent ces femmes ? Sans doute à des inimitiés personnelles et non à une hostilité contre la religion. Mais le fait qu’elles se permettent de faire scandale dans une église n’est pas sans témoigner d’un affaiblissement notable du sentiment religieux. Exception, certes, mais qui jette une lueur sur l’histoire religieuse de la Révolution en permettant de comprendre comment, dans certaines campagnes, le peuple a accepté la déchristianisation.

Naturellement, les agents chargés de percevoir pour le compte du roi ou des seigneurs, ou de l’Église, les divers impôts, sont extrêmement mal vus et leur mission n’est pas toujours sans danger. Soit parce qu’on en veut à leur argent, soit que leur personne ou leur mission inspire la haine, ils sont souvent molestés et non seulement injuriés mais rouées de coups. Sur une route de Provence, des femmes se trouvent au milieu d’une bande qui assaille les préposés de la dîme à coups de barres de fer, les laissant pour morts[6].

Dans un village du Périgord, plusieurs femmes arrêtent Pierre Bergues, sieur Dubos, chargé de percevoir les arrérages des rentes des tenanciers de la terre de Cervès. Il lui faut se débattre contre

  1. Arch. Départ., Tarn, B. 928.
  2. Arch. Départ., Dordogne, B. 533.
  3. Ibid., B. 1527.
  4. Arch. Départ., Charente, B 998.
  5. Arch. Départ., Dordogne, B. 1434.
  6. Arch. Départ., Basses-Alpes, B. 618.