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Enfin au dernier degré de la pyramide de la galanterie, dans les rues des faubourgs, les « hideuses créatures du Port au Blé et de la rue du Portier ». Là, dit Mercier, chez ces femmes sans âge qui portent tous les stigmates des maladies honteuses, « le vice a perdu son attrait et l’on voit la débauche se punissant elle-même par les maux qui en sont la conséquence… »

À côté de la prostitution libre, les maisons closes. Celles-ci ne semblent offrir, au siècle qui nous occupe, rien de bien caractéristique ; cependant, quelques-uns de ces établissements luxueux et ouverts aux seuls grands seigneurs semblent avoir été utilisés par la police et le gouvernement dans un but politique.

Vers la fin du ministère de Fleury, une Mme  Parsi ouvrit à Paris un établissement somptueux et qui fut, dit Barbier, encouragé par les ministères. Dans un bel hôtel, autour de tables magnifiquement servies, quelques filles, choisies parmi les plus jolies et les plus séduisantes, donnaient des soupers fins où fréquentaient, avec la jeunesse dorée, des ambassadeurs étrangers. Parfois il se disait là des secrets utiles au ministère. Et pour que l’on put opérer avec toutes les chances de succès, on avait soin de placer parmi les habituées quelques filles connaissant les principales langues étrangères de l’Europe[1].

Les « sérails » étaient très nombreux à Paris et, depuis les grands établissements où l’on présentait à la clientèle des femmes de tous les aspects et de tous les caractères, « la façonnée, l’artificielle, la niaise, l’alerte, l’éventée, la follette, la fringante, la grasse, la maigre, l’ardente, la mutine », où, pour la satisfaction des blasés, la marchande de modes devenait une timide villageoise et l’ouvrière en linge une naïve provinciale[2], jusqu’à ces petits sérails où se trouvaient quelques filles seulement, les maisons closes qui foisonnaient dans Paris renfermaient des milliers de femmes.

La matrone, qui encourageait la prostitution et en vivait, est alors un type fréquemment dépeint par les observateurs des mœurs parisiennes.

Sans doute étaient-elles soumises à des lois sévères et passibles toujours de peines rigoureuses, telles que le fouet et l’exposition au pilori, précédées de la promenade par la ville avec sur leur poitrine l’écriteau infamant : M…., mais ces peines étaient rarement

  1. Barbier. Journal. D’ailleurs des espionnes étrangères se glissaient parmi les prostituées.
  2. Mercier. Loc. cit.