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La soubrette qui suit la grande dame ou la riche bourgeoise de Paris est bien différente. Celle-ci n’est plus, comme la bonne à tout faire ou la femme de charge, habillée de couleurs sombres. Elle porte des vêtements plus gais, égayés encore par un grand luxe de linge, cottes et bonnets empesés ; sa maîtresse lui donne volontiers costumes et parures qui ont cessé de lui plaire et il n’est par rare de la voir vêtue de satin, parée de diamants. Avec sa jupe très courte, son corsage largement échancré, sa guimpe ou son fichu de dentelles, ses talons hauts et son petit bonnet, elle est toujours de silhouette élégante, d’allure dégagée. Elle est vive d’ailleurs et délurée, instruite également et capable aussi bien de mettre la dernière main à une robe inachevée ou de modifier quelque peu sur sa maîtresse l’œuvre de la marchande de modes, que de tourner pour elle un billet. Ainsi apparaissent les servantes de Marivaux, différentes des servantes de Molière et aussi fines, aussi distinguées que les autres sont balourdes. Aussi tiennent-elles dans ses pièces une tout autre place que les Toinette ou les Martine dans celles de Molière. Les premières sont des personnages épisodiques ou de simples confidentes. Dans Le jeu de l’amour et du hasard, dans Arlequin poli par l’Amour, dans Le Legs, les servantes sont des personnages indispensables à l’intrigue. Elles connaissent le caractère de leur maîtresse, possèdent leurs secrets et ne négligent pas de poursuivre aussi leur propre intérêt ; elles ont leur diplomatie, leurs intrigues qui ne sont pas sans influer sur le dénouement.

C’est d’ailleurs à ces soubrettes autant qu’aux valets mâles que s’applique le mot de Beaumarchais : « Aux qualités qu’on exige des domestiques » Les soubrettes assez élégantes, assez fines, assez dégourdies pour pouvoir tenir honorablement leur rôle auprès d’une grande dame, sont malgré tout rares, les maîtresses se les disputent[1].

À côté de la femme de chambre préférée, dame de compagnie autant que domestique et confidente des secrets, se trouvent d’ailleurs, auprès de chaque grande dame, plusieurs soubrettes qui chacune a son rôle dans la pièce compliquée qu’est l’habillage d’une jolie femme. « Celle-ci coiffe, celle-là ajuste les vêtements, cette autre s’empresse à mettre le rouge ou à placer les mouches, une autre passe la boîte à poudre ou la pâte d’amandes. » Le nombre de servantes requises ainsi par la haute société est

  1. Mercier. Tableau de Paris.