Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/254

Cette page n’a pas encore été corrigée

ces localités, les élèves de Mme  Ducoudray exercent le métier de sages-femmes sans difficulté[1].

On emploie d’ailleurs de nombreux moyens pour assurer le recrutement des élèves et les engager à suivre avec zèle les cours. Ici (Châlons), on exempte de corvée les sages-femmes et on étend ce privilège à leur mari[2].

Là (Nîmes), à la clôture des cours d’accouchements, l’on distribue des prix aux meilleures élèves. La première reçoit une médaille d’or aux armes de la ville et son nom est proclamé à son de trompe dans les rues[3]. Plusieurs villes organisent ainsi une distribution de prix solennelle dont la perspective encourage le zèle des candidates[4].

On songea alors à assurer ces résultats en créant des établissements hospitaliers réservés spécialement aux femmes en couches, où les sages-femmes pourraient, sous la direction de professeurs, apprendre la pratique du métier. L’idée ne fut pas réalisée.

Malgré les efforts de Mme  Ducoudray et les résultats obtenus, il s’en fallait encore, à la veille de la Révolution, que toutes les sages-femmes offrissent les garanties de compétence désirable. En 1788, un docteur de Paris écrit un mémoire sur l’incapacité des sages-femmes. Les cahiers des États Généraux contiennent de nombreuses doléances sur le même thème.

C’est que bien des difficultés s’opposaient, sinon à Paris, du moins dans les petites villes de province et surtout dans les campagnes, à la formation d’un personnel nombreux et instruit.

Les chirurgiens ne renonçaient pas à leur opposition et fort souvent leur corporation, très puissante, faisait tout pour empêcher les sages-femmes d’exercer.

Le recrutement des élèves n’était pas toujours facile. En vain les curés, suivant les instructions des intendants, engageaient-ils les parents à envoyer leurs filles à la ville fréquenter les cours d’accouchement. Les paysans refusaient[5] et l’on avait parfois du mal à trouver suffisamment d’élèves. Enfin, en dehors des villes, les sages-femmes n’avaient pas toujours une clientèle suffisante pour qu’un grand nombre d’entre elles fussent attirées vers la profession. Car le paysan, réfractaire au progrès, s’en remettait

  1. Arch. Départ., Seine-Inférieure, C. 95.
  2. Arch. Départ., Marne, C. 350.
  3. Arch. Départ., Gard, C. 710.
  4. Arch. Départ., Gers, C. 21.
  5. Arch. Départ., Gironde, C. 3302-03.