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en Lorraine et en Champagne, en Normandie, en Bretagne. À la fin du xviiie siècle on trouve, une directrice des diligences, coches, carrosses et Messageries royales, à Saint-Lô[1], une maîtresse de postes à Rennes, une à Pontorson, une à Quimper[2], une autre à Châlons, une autre encore à Charleville[3]. Des exemples, pris dans les provinces si différentes, montrent que l’usage d’admettre les femmes à l’exercice de ce métier dut être général. Elles l’exerçaient d’ailleurs, la plupart du temps mais pas toujours, en survivance de leur mari.

Dans les mêmes conditions à peu près les femmes purent devenir directrices des postes : des veuves exercent ce métier à Saint-Lô et à Isigny. Ainsi dans une certaine mesure, très restreinte il est vrai, des femmes sont susceptibles de remplir des fonctions administratives que l’on ne peut exercer qu’en vertu d’un brevet royal et l’on voit poindre déjà la femme fonctionnaire. La femme facteur ou courtier, particulièrement factrice en grain, paraît également assez souvent[4].

D’autre part, sans être directement nommées par le gouvernement, quelques femmes exercent des fonctions bureaucratiques. Il en fut ainsi dans les administrations diverses dépendant du contrôle général des finances ou de la ferme générale, ou dans les bureaux de distribution du sel, du tabac, de papiers timbrés, de bulletins de loterie. « On compte, nous apprend une féministe du xviiie siècle, sur 10 000 employés, 5 à 600 femmes environ. » Elles sont d’ailleurs confinées dans les emplois les moins lucratifs[5].

Enfin les municipalités furent amenées parfois, mais rarement, soit par des circonstances particulières, soit en vertu d’anciennes coutumes aux lois, à confier aux femmes certaines fonctions qui font d’elles des fonctionnaires municipaux. Nous trouvons au xviiie siècle deux exemples seulement, mais assez curieux. En 1738, la petite ville d’Amboise[6] a confié à une femme la fonction de tambour et trompette de la ville. La décision des magistrats municipaux paraît d’ailleurs bizarre aux habitants : le spectacle d’une femme battant du tambour sur la place publique fait plus rire qu’il

  1. Arch. Départ., Calvados, C. 3061.
  2. Ibid., Ille-et-Vilaine, B. 306.
  3. Arch. Départ., Ardennes, B. 15.
  4. Règlement royal du 16 juin 1779 qui mentionne facteurs et factrices. Dictionnaire de jurisprudence.
  5. De Coicy. Les femmes comme il convient de les voir. — Mercier. Loc. cit.
  6. Arch. Comm., Amboise, BB. 33.