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à qui sa faiblesse a donné plus de besoins et moins de ressources et semblent, en les condamnant à une misère inévitable, seconder la séduction et la débauche[1]. »

Lors de l’enregistrement de l’édit par le Parlement au cours du lit de justice tenu le 12 mars 1776 par le Parlement, l’avocat général Ségnier, porte parole de l’Assemblée, convint, tout en défendant le système corporatif, que celui-ci avait donné lieu, au détriment des femmes, à d’intolérables abus, qu’il fallait rendre libres certaines professions féminines (fruitières, bouquetières) et, dans un grand nombre de professions tenues par des femmes, admettre celles-ci à la maîtrise. Ces réformes, disait Ségnier, prépareraient un asile à la vertu que le besoin conduit souvent au désordre et au libertinage[2].

Malgré les protestations du Parlement, les corporations, jurandes et maîtrises furent abolies et l’exercice de toutes les professions rendu libre. Tout métier indistinctement put être exercé par des personnes de l’un ou l’autre sexe.

Il semble que les femmes aient été assez nombreuses à profiter de la permission, l’édit rétablissant les corporations spécifiant nettement que des marchands et des artisans des deux sexes avaient fait au sujet de l’exercice de leur profession (seules obligations auxquelles ils fussent soumis) leur déclaration à la police, et se préoccupant de sauvegarder leurs intérêts.

Le nouveau régime dura peu. Un édit du 11 août 1776 rétablissait les corporations mais en faisant subir au système des modifications profondes dont un grand nombre, inspirées par un esprit nouveau d’égalité entre les sexes, amélioraient les conditions du travail féminin.

Organisant 6 corps et 44 communautés, l’édit proclamait « que les femmes n’en seraient point exclues ».

Si aucun des six corps n’est exclusivement féminin, plusieurs communautés sont exclusivement féminines : telles les couturières et découpeuses, les faiseuses et marchandes de modes, les plumassières et lingères.

Sauf les lingères, d’ailleurs, aucune de ces communautés ne bénéficiait d’un monopole exclusif. Les faiseuses et marchandes de mode étaient en concurrence pour la broderie avec les brodeuses, pour la découpure avec les couturières ; celles-ci étaient en con-

  1. Édit sur l’abolition des corporations, jurandes et maîtrises (Isambert. Recueil des anciennes lois).
  2. Isambert. Ibid., T. XXII.