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de la Fronde, l’attitude des femmes de la Halle avait sur celle de tout le peuple des faubourgs[1].

La communauté des regrattiers et marchands forains est, elle aussi, très largement ouverte aux femmes. Tous les règlements et ordonnances qui en déterminent les statuts mentionnent « regrattiers et regrattières, marchands forains et marchandes foraines ». Il est naturel que, parmi le petit peuple qui vendait sur les marchés de Paris, en étalant ses marchandises sur un éventaire ou simplement dans un panier derrière lequel le marchand ambulant se tenait debout, se soient rencontrées beaucoup de femmes. Ce métier de marchandes des quatre saisons a été, de tout temps, un métier féminin. Plusieurs édits tendirent à rendre les marchands forains et regrattiers indépendants des maîtres fruitiers qui formaient, ceux-là, une corporation exclusivement masculine et qui s’arrogeaient sur une communauté, pour eux vassale, un droit de surveillance[2]. Louis XIV accorde des privilèges aux petites fruitières en ne les obligeant qu’au paiement d’un droit de trente sous si elles tiennent boutique et en les dispensant de tout droit si elles vendent debout. L’importance des femmes dans la communauté était assez grande pour que, en 1694, une femme, Rafel, soit choisie communément avec son mari, Nicolas Postel, par trois mille regrattiers pour présenter des doléances sur la tyrannie des maîtres fruitiers[3].

On peut supposer, et il ressort en fait d’une étude des documents relatifs aux corporations de métiers conservés aux archives départementales, que bien souvent les femmes qui, filles de maîtres, avaient apporté à leur mari la maîtrise, collaboraient assez activement à l’exercice de leur profession. Nombreux et fréquents sont les exemples de femmes qui nous sont représentées aussi habiles que leur mari dans leur métier. Au milieu du xviiie siècle, la femme Bellet, épouse d’un maître miroitier d’Angoulême, s’était acquise ainsi que son mari une telle réputation pour le raccommodage des miroirs et l’étamage des glaces, que « le public ayant été instruit de leur savoir faire, ils eurent bientôt autant et plus d’ouvrage qu’ils n’en pouvaient faire[4] ». Dans nombre d’endroits, et

  1. Et aussi de leur richesse : Mme  Campan nous les montre couverte de diamants ; Dancourt, dans La femme d’intrigues, nous présente une dame de la Halle pourvue de 400 000 livres.
  2. Ordonnance de 1608, renouvelée en 1694
  3. Ibid.
  4. Arch. Départ., Charente, E. 2059