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Dans quelles conditions ? Le plus souvent, les femmes entrent dans ces corps de métiers divers comme successeurs et héritières de leurs maris. Un très grand nombre d’ordonnances royales, d’arrêts des Parlements, sanctionnés par les règlements intérieurs des diverses corporations, prévoient la possibilité pour les veuves de maîtres de succéder dans l’exercice de leur fonction à leurs maris. Cette autorisation est naturellement soumise à certaines conditions.

Un arrêt du Conseil de 1723 décide que les veuves de libraires et d’imprimeurs pourront continuer d’exercer le métier de leur mari, mais que ce privilège cessera si elles se remarient avec un homme étranger à la profession[1].

Les veuves des vinaigriers et des limonadiers, à Caen, qui, à la fin du xviiie siècle, étaient très nombreuses, celles des maîtres sergers, à Saint-Lô, qui, en 1730, ont, dans cette seule ville, au nombre de sept[2], celles des boulangers, chaudronniers, charrons, tourneurs d’Orléans, celles des tonneliers de Nantes, celles des diverses corporations mixtes de la ville de Paris (boulangers, bouchers, charcutiers, apothicaires, rôtisseurs, pâtissiers, épiciers, éventaillistes, tireurs d’or), ont un statut analogue.

La continuation de l’exercice de la profession du mari est d’ailleurs soumise à certaines obligations différentes suivant les corps de métiers et les provinces, mais souvent restrictives de la liberté professionnelle. Les veuves des imprimeurs de Paris ont le droit de continuer le travail dans leurs imprimeries, d’avoir des compagnons, et de faire « achever aux apprentis le temps de l’apprentissage, mais non d’en embaucher de nouveaux » [3]. Les veuves des éventaillistes, celles de mouleurs de sabres sont soumises aux mêmes obligations[4]. Les veuves des rôtisseurs et des pâtissiers n’ont même pas le droit de tenir chez elles un apprenti. Au contraire, les veuves des charcutiers pourront travailler pour leur compte comme elles l’entendront. Les veuves d’apothicaires peuvent également continuer leur négoce ; à condition de le faire diriger par un bon commis approuvé par un garde juré du métier,

  1. Règlement du Conseil du 28 février 1723. Isambert (anciennes lois). Cf. Statuts et règlements des corporations de Paris, publiés par René de Lespinasse.
  2. Arch. Départ., Calvados, C. 2870.
  3. Règlement du Conseil de 1723.
  4. Règlement de la communauté des éventaillistes (1628), des mouleurs de sabre (1572), publiés par René de Lespinasse. Loc. cit.