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poration mixte avec les tailleurs d’habits[1]. Dans une importante cité comme Caen, on ne trouve aucune corporation exclusivement féminine[2]. Mais quelques-unes des maîtresses couturières d’Orléans sont à la tête de douze apprenties[3].

Les villes où ne se trouve aucun corps de métier féminin sont une exception. Et d’autre part, dans un certain nombre de villes, on trouve à côté des corps des principaux métiers féminins, à Rouen par exemple, les brodeuses en tabelle, bonnetières en étoffes, enjoliveuses de chefs[4], à Dijon, les revendeuses d’huile et les revendeuses à la toilette[5].

Ces corporations féminines sont organisées à l’image des corporations masculines.

Pour pouvoir en faire partie, il faut avoir fait trois ou quatre ans d’apprentissage et payer des droits qui varient de vingt à trente livres. Dans la plupart des villes, la maîtresse, rigoureusement fermée, n’est accessible qu’aux filles de maîtresses qui doivent payer un droit assez élevé : cent soixante-quatorze livres, pour les maîtresses couturières, six cents livres, pour les maîtresses lingères[6]. Comme les corporations masculines, les corporations féminines élisent leurs jurées, chargées de la « garde du métier » et pourvues, pour les questions professionnelles, d’une certaine compétence judiciaire.

Un arrêt du Parlement de 1645 décide que la jurande des lingères sera composée de deux maîtresses : une fille, une mariée[7]. L’édit de 1675, organisant la corporation des couturières, institue un corps électorat composé de quatre-vingts maîtresses chargées d’élire dix jurées élues pour deux ans et renouvelables par moitié chaque année.

Les corporations féminines n’avaient pas réussi à se créer et à se maintenir sans avoir à triompher de la mauvaise volonté des corporations masculines qui exerçaient des métiers analogues. Les tailleurs d’habits avaient longtemps empêché la formation de la

  1. Arch. Départ., Calvados, C. 2790.
  2. État des corporations de la généralité de Caen. Arch. Départ., Calvados, C. 2849.
  3. Bloch. Cahiers du baillage d’Orléans.
  4. Arch. Départ., Seine-Inférieure, C. 137.
  5. Arch. Com., Dijon, G. 70.
  6. Jèze. Loc. cit.
  7. Fagniez. La femme et la vie professionnelle en France au xviie siècle. Revue des Deux Mondes, janvier 1911.