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en même temps que les trente-cinq parlementaires irréductibles, exiler deux d’entre elles : la présidente de Gourgues, femme de Marc-Antoine de Gourgues, président à mortier, et Marie-Henriette Le Berthon, sœur du premier président.

Tandis que les femmes des opposants montraient aux transfuges qui avaient accepté des fonctions dans le nouveau Conseil supérieur leur mépris et leur colère, « des filles courageuses, bravant la colère du maréchal, étaient allées dans de lointains villages offrir leur main à de jeunes conseillers et partager leur infortune, telles Mlle  Godefroi, devenue Mme  Castelneau d’Essenault, et Mlle  de la Calonie, devenue Mme  de Conilh[1] ».

Donc les femmes de parlementaires si, en général, elles influent moins que les femmes de la Cour sur la marche des événements, leur sphère étant d’ailleurs plus étroite et leur action sur les pouvoirs publics moins grande, ont du moins contribué dans une très large mesure à créer dans les salons un état d’esprit hostile aux réformes tentées par le pouvoir royal, à répandre dans le peuple cette opinion, si commune à la veille de la Révolution, que les Parlements étaient les représentants de la nation et les défenseurs de ses libertés. Elles l’ont pu grâce à leur culture, à leur goût de la politique et au prestige dont elles jouissaient parmi le peuple qui, par les présents qu’il leur faisait en mainte occasion, leur témoignait d’une considération presque égale à celle où il tenait leurs maris.

iii. Moyenne bourgeoisie parisienne et provinciale

Au-dessous des femmes de parlementaires et des femmes de financiers qui, quelle que soit d’ailleurs leur origine, se rapprochent par leur genre de vie et leurs préoccupations de l’aristocratie qu’elles fréquentent et à laquelle elles se mélangent, se placent les femmes de la moyenne bourgeoisie : femmes de fonctionnaires de l’administration ou des finances (subdélégués, procureurs fiscaux, lieutenants à la judicature, greffiers, procureurs des octrois), femmes d’avocats, de médecins ou de chirurgiens, femmes de gros commerçants ou d’industriels qui, pour être à l’aise et quelquefois très riches, ne prétendent pas à tenir le rang des femmes nobles.

Celles-là sont bien plus occupées de leurs affaires particulières, de la conduite de leur ménage, de leur famille et de leurs enfants que de celles du pays et les luttes politiques de la

  1. Grellet-Dumazeau. Loc. cit.