Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/194

Cette page n’a pas encore été corrigée

trats firent au nouveau président et sa femme le plus mauvais accueil. En accablant d’injures Mme  du Bastard, les femmes des parlementaires d’une austérité puritaine manifestaient seulement leur réprobation contre les mœurs dissolues de la Cour. Les années suivantes, elles interviennent dans des affaires plus sérieuses.

En 1763, des édits royaux avaient établi, pour la province du Languedoc, un dénombrement basé sur de nouveaux impôts. Ceux-ci étaient fort impopulaires en Languedoc et le Parlement de Toulouse avait refusé d’enregistrer ces édits.

Le duc de Fitz-James fut alors envoyé à Toulouse pour obtenir du Parlement l’enregistrement des édits. Les femmes organisèrent contre lui de véritables émeutes dans les rues de la ville et le poursuivirent jusque dans le château qu’il habitait dans la banlieue. D’autres femmes de parlementaires accompagnaient leurs maris à Versailles pour obtenir de la Cour la suppression des édits. Démarches vaines, d’ailleurs, et qui n’empêchèrent pas les volontés royales de s’accomplir[1].

Naturellement, la dissolution du Parlement de Toulouse comme celle du Parlement de Grenoble fut, pour les femmes, l’occasion d’affirmer d’une manière plus active leurs sentiments. Quelques-unes, telles Mme  du Dénié, prennent des attitudes cornéliennes : « Si mon mari, dit cette fanatique au représentant du roi, venait pour arrêter M. du Dénié, si mon mari compromettait, en se soumettant, l’honneur de sa femme et le nom de ses enfants, ce poignard (et elle brandissait une lame devant M. de Périgord) laverait dans son sang la honte de notre nom[2]. »

Pendant ce temps, moins théâtrales et plus pratiques, Mme  de Cambon et la présidente d’Aguin, renouvelant l’exploit de la servante de Broussel, réussissaient à soulever le peuple, lorsque les gens du roi voulurent arrêter leurs maris. Par elles, le nouveau Parlement fut discrédité aux yeux du peuple et elles rendirent au nouveau Président du Conseil supérieur, Niquet, la tâche très difficile. Les parlementaires toulousains purent donc se vanter d’avoir pour leur part contribué à la victoire de leur ordre. Elles ne purent d’ailleurs être à l’honneur après avoir été à la peine. Car, lorsqu’elles se pressèrent en foule à la séance de réintégration du Parlement, elles trouvèrent toutes portes closes. À Bordeaux comme à Toulouse, et plus encore que dans cette

  1. Dubedat. Histoire du Parlement de Toulouse. — Vivie de Saint-Régis. Loc. cit.
  2. Ibid.