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personnel. Cette attitude fut très commentée à Paris où l’on comprit que la première présidente voulait effacer la mauvaise impression qui aurait produite sur les magistrats la trop rapide capitulation de son mari[1].

Plus tard, au moment de la dissolution du Parlement, les femmes de parlementaires furent unanimes à s’élever contre la décision du pouvoir royal et l’établissement du parlement Maupeou. Elles déchaînèrent une agitation qui, nous l’avons vu, gagna les femmes de la Cour et descendit jusque dans la rue. Sans doute, si les femmes de la Cour se rangèrent en grand nombre du côté des parlementaires, c’est bien parce qu’elles voulaient manifester par là leur opposition au ministre qui avait renversé et remplacé Choiseul. C’est aussi parce que les femmes de parlementaires qui, à Paris, ne formaient avec elles qu’une seule société, avaient su les convaincre que la « destruction des Parlements était une atteinte aux lois fondamentales de l’État[2] ».

Même après le rétablissement des Parlements sous Louis XVI, certaines femmes de la bourgeoisie parlementaire gardèrent rancune à la Cour et lui manifestèrent de l’hostilité. La présidente de Gourgues, sœur de Lamoignon de Malesherbes, usa de toute son influence sur son frère pour l’empêcher de se rapprocher de la Cour et ce n’est qu’après sa mort que le président osa terminer l’évolution qui le conduisit finalement au Secrétariat d’État de la Maison du Roi[3].

En deux occasions très importantes, les femmes symbolisent donc la résistance parlementaire. Mais, c’est surtout en province, où leur influence, comme celle de leurs maris, est beaucoup plus grande que dans la capitale, que leur rôle est important, et vraiment caractéristique de l’idée qu’elles se faisaient de leur devoir pour ne pas dire de leur mission. Ce n’est pas, sans doute, dans toutes les provinces que s’est déployée l’activité politique des femmes de magistrats. Ni en Provence, ni en Béarn, ni en Normandie, ni en Bretagne, elles ne semblent jouer un rôle bien grand. Tout au plus des manifestations toutes platoniques montrent-elles que telle femme de conseiller conserve tout l’orgueil de caste. Telle la composition de cette épitaphe du Parlement de Normandie[4], par

  1. Barbier. Loc. cit.
  2. Cf. De Besenval. Supra.
  3. Augelard. Mémoires secrets.
  4. Bachaumont. Mémoires secrets.