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venons de citer devient significatif si l’on songe que Mlle de Gournay, l’initiatrice, après Christine de Pisan, du féminisme moderne, est la fille spirituelle de Montaigne. À la fin du xvie siècle, déjà, il n’était plus besoin de mysticisme pour conduire au féminisme. En face du féminisme mystique, le féminisme rationaliste apparaissait, autrement fort. Il sera celui de Poulain de la Barre et de Condorcet.

Comme au xvie siècle et pour des raisons analogues, le féminisme prend, au xviie siècle (ou du moins dans les trois premiers quarts de ce siècle), un très grand essor. Les périodes de trouble et de guerres civiles que traverse la France, pendant la minorité de Louis XIII et de Louis XIV, sont favorables au développement des cabales de Cour où triomphe le génie féminin de l’intrigue et à une nouvelle et dernière résurrection de l’esprit féodal. Par deux fois, des régentes gouvernent. Pendant un demi-siècle, des femmes, Léonora Galigaï, Marie de Médicis, la duchesse de Chevreuse, Mme de Longueville, Mlle de Montpensier sont, sinon les leaders, du moins les chefs apparents des partis. La Fronde les transforme en négociateurs politiques et en chefs militaires. De nouveau, on revoit, comme au xiiie siècle et sous la Ligue, des femmes chevaucher à la tête des armées, voire livrer hardiment bataille : Mme de Longueville entraînant les Espagnols — et Turenne — sur la route de Paris, la princesse de Condé marchant sur Bordeaux, la Grande Mademoiselle entrant dans Orléans par la brèche et dirigeant la défense de Paris, la maréchale de Guébriant ralliant au roi les garnisons d’Alsace, voilà quelques aspects caractéristiques — entre cent — du rôle militaire des grandes dames. Leur rôle politique n’est pas moindre. C’est par l’intermédiaire de Mme de Longueville, de la princesse palatine Anne de Gonzague, de Mme de Chevreuse, de Mme de Montbazon que s’accomplissent ces brusques évolutions des partis, ces conversions soudaines qui donnent à l’histoire de la Fronde un aspect si embrouillé et si confus. Et nous les voyons, avec Mme de Longueville et Mme de Guébriant, diplomates et ambassadeurs, avec Mlle de Montpensier, orateurs et tribuns. Sans doute, n’est-ce pas leur action qui, quoi qu’en aient dit Mazarin, et après lui Mézerai, est le mobile premier des événements. Mais là n’est pas l’important. Ce qui est remarquable, c’est l’attitude de l’opinion publique : nul alors ne s’indigne ou ne s’étonne de voir les femmes ainsi sortir de leur rôle traditionnel, usurper non seulement les positions masculines mais les titres correspondants : du peuple parisien aux princes et aux parlementaires, tout le monde reconnaît comme légitime l’autorité des femmes chefs d’armée, diplomates, chefs de parti. Les idées sur les fonctions respectives des hommes et des femmes sont, du moins en ce qui concerne la noblesse, moins nettes qu’aujourd’hui. Et plus ou