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cependant ornés de tapisseries représentant des scènes tirées de l’histoire sacrée ou profane ; telle la galerie des femmes illustres que nous trouvons dans le château provençal de la dame de Muy. »

Les Saint-Lambert, Mme de Muy apparaissent comme menant une existence non pas luxueuse mais confortable et aisée. Bien plus nombreux sont ceux des gentilshommes de province qui sont réduits à une pauvreté voisine de la misère. Dans la grande salle du château de Thibault de la Carte, on trouve tout juste une table longue, une table ovale, un sopha, un vieux paravent et quatre mauvaises chaises de paille. Le logement n’a qu’un rez-de-chaussée, une cuisine, une chambre à deux lits, la salle, un petit cabinet et une écurie. La famille entière devait vivre avec des revenus de 1 500, 1 000 et 500 livres[1].

Le souci d’une pénible lutte pour la vie remplit donc souvent l’existence des femmes veuves ou filles de ces hobereaux. Toutes ne sont pas réduites à garder les moutons, comme les filles de certains gentilshommes poitevins, que leur misère réduit presque à la condition de villageoises. Mais très nombreuses sont celles pour qui l’existence est dure et qui s’évertuent péniblement à joindre les deux bouts.

Bien des femmes ou veuves de gentilshommes qui n’ont pas d’autres ressources que la générosité royale. Celle-ci se manifeste fréquemment par des gratifications et des pensions, et nous voyons les femmes, soit s’entremettre pour les faire obtenir à leurs maris, soit, veuves ou vielles filles, faire des démarches pour leur propre compte. Très nombreuses sont, dans toutes les provinces, les femmes qui, alléguant l’ancienneté de leur famille et son attachement au service du roi et de la Patrie[2], adressent à la Cour de semblables requêtes. Nombreuses également celles, qui véritables déclassées, quittent leur manoir pour aller tenir à la ville la plus proche une maison de jeu. D’autres vivent d’expédients, empruntant, escroquant jusqu’au moment où elles sont arrêtées. Telle la dame Lompré de Bonneville, dont la vie errante, dans le Languedoc, est bien celle d’une déclassée[3]. Certaines enfin s’en vont à Paris ou dans les villes de leur province, exercer tel petit métier lucratif. C’est le cas de

  1. Carré. La noblesse de France et l’’opinion publique au xviiie siècle.
  2. Lettre de la dame Dupuy de Villiers. Arch. Départ., Hérault. C 2866.
  3. Arch. Départ., Hérault, C. 138.