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Dès son arrivée à la Cour, nous l’avons vu, Mme  de Pompadour apparaît comme la représentante des financiers, c’est-à-dire de la haute bourgeoisie unie par de nombreuses alliances au monde parlementaire, volontiers libérale et amie des philosophes, peu favorable au clergé.

Elle porte au pouvoir Machault, l’homme des réformes financières, décidé à lutter contre les privilèges de la noblesse, ceux du clergé et à s’opposer à l’extension indéfinie des biens ecclésiastiques. Pendant presque toute la durée de la faveur de Machault qui, grâce à la marquise, fut porté au ministère de la marine et élevé plus tard à la dignité si enviée de chancelier, le ministre et la favorite furent à peu près constamment d’accord. Sans doute à certains moments Machault, sous l’influence de sa maîtresse, Mme  de Saint-Florintin, semble-t-il aiguiller vers le parti de Maurepas. Mais cette velléité d’indépendance est de courte durée. Bientôt, au témoignage de tous les contemporains, Machault est étroitement lié à la marquise et par la communauté des intérêts et par l’identité des vues politiques. Le contrôleur général et sa protectrice ont mis la main sur les finances du royaume. « Celui-là permet à celle-ci de prendre sur quittance tout l’argent qu’elle veut[1] ». L’un et l’autre s’associent pour distribuer fructueusement fermes et croupes. Les gros fermiers généraux comme Bouret, dont la fortune commence après la retraite d’Helvétius, sont leurs créatures[2]. D’ailleurs, Machault a su inspirer au roi une confiance personnelle assez grande et, par une manœuvre qui montre bien la complexité de cette politique de cour, la marquise, aux rares périodes où sa fortune lui paraît menacée, se soutient par le crédit de Machault… « Elle fait croire au roi qu’il a besoin d’elle et de son parti pour se maintenir contre des ministres qui le trahissent pour les prêtres, pour la bigoterie et pour la famille royale[3]. »

Avec Machault, Puisieulx, Montmartel et quelques hommes à elle, Mme  de Pompadour a constitué une sorte de conseil restreint et c’est seulement auprès de ce conseil tenu parfois, nous le savons, chez la marquise et « centre des consolations royales, pour les affaires », que le roi se trouve en sûreté ; « ce sont d’autres lui-même[4]. »

Au regard des contemporains, la marquise, Machault et leur

  1. D’Argenson. Mémoires.
  2. Ibid. — Barbier. Loc. cit. — Mme  du Hausset. Loc. cit.
  3. D’Argenson. Loc. cit.
  4. Ibid.