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culinaires, de donner plus d’ardeur à ses sens engourdis et fort préoccupée de cette infirmité susceptible à la longue de détacher d’elle son amant[1].

De fait, dès 1750, Louis XV lançait déjà autour de lui des regards de convoitise sur les jolies femmes de la cour, même sur les amies de la favorite comme Mme  d’Amblimont qui, avec une fidélité à l’amitié fort méritoire en l’espèce et extraordinaire à l’époque, repoussa les avances du roi, ou Mme  d’Estrade, qui n’eut pas, elle, la même prudence et paya de la disgrâce ses tentatives pour supplanter Mme  de Pompadour. Si les intrigues de cour n’aboutirent pas, le roi se dédommagea du moins avec des filles du peuple, telle Mlle  Murphy, qu’il entretint plusieurs années dans une petite maison, dont il eut un enfant, et à qui succèdent bien d’autres maîtresses.

Ces passades du roi donneront aux ennemis de la marquise de nombreux et faux espoirs. Il n’est pas d’année, à partir de 1746, où le bruit ne se répande à la Cour, à la ville, que la favorite sera bientôt congédiée, qu’une autre femme, Mme  d’Estrade, ou Mme  de la Marck, ou la princesse de Robecq, ira incessamment la remplacer dans la faveur royale, que son « crédit est sur son déclin » ou « sur son couchant ».

Ainsi avait-on dit naguère du cardinal de Fleury. Comme celui-ci, cependant, Mme  de Pompadour resta en faveur jusqu’à sa mort.

Pour étrange qu’apparaisse à première vue l’assimilation, peut-être est-ce pour des raisons de même nature que Louis XV maintint à l’un et à l’autre toute sa confiance. Si volage qu’il fût en amour, Louis XV était constant en amitié. Il resta toute sa vie assez timide, lent à se lier, répugnant à voir autour de lui de nouveaux visages. Et les habitudes eurent sur lui une force très grande. Habitué dans sa jeunesse au cardinal de Fleury, Louis XV le fut dans son âge mûr à Mme  de Pompadour « Le roi vous est attaché par les chaînes de l’habitude », dit un jour Mme  de Brancas à Mme  de Pompadour, qui lui faisait part de ses inquiétudes sur le maintien de la faveur royale[2]. La remarque était d’une très juste psychologie. Lors même en effet qu’à partir de 1756 tout lien sensuel eût été rompu entre le roi et la marquise de Pompadour, les espoirs de ceux qui aspiraient à la remplacer furent vains ; elle conserva dans le cœur,

  1. Mme  de Hausset. Mémoires : « Mme  de Pompadour se rendit un jour malade pour avoir mangé trop de chocolat, de truffes et autres mets échauffants et raconta à Mme  de Brancas qu’elle suivait exprès ce régime dans l’espoir de modifier son tempérament. »
  2. Mme  de Hausset. Mémoires.