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les nues », n’eut pas le désir de faire de la politique. Sans doute elle se laissa entraîner dans le parti de Mme de Charolais, puis dans celui des Noailles et des Tencin, puis de Chauvelin et appuya ceux qui combattirent Fleury. Son influence ne put cependant prévaloir contre celle du ministre ni, malgré l’espoir que les successeurs de Fleury mettaient en elle, obtenir non plus que sa sœur, Mme de Vintimille, le renvoi du cardinal. Louis XV, alors, semblait bien décidé à ne pas laisser une femme quelle qu’elle fût influer sur les affaires publiques. « Sire, dit, en 1739, le cardinal au roi, je n’ai qu’une grâce à demander à Votre Majesté, c’est de se souvenir de ce que je lui ai dit dans sa jeunesse, à savoir que si jamais Votre Majesté écoutait les femmes sur les affaires, Elle et son État étaient perdus sans retour[1]. »

Rappelant le soir même à Mme de Charolais sa conversation avec le cardinal, le roi disait à son intrigante interlocutrice (et l’intention était évidente) : « Si jamais une femme me parlait d’affaires, je lui fermerais ma porte au nez sur-le-champs. »

« Le roi, écrit alors d’Argenson qui relate la scène (octobre 1739), ira encore plus loin qu’Henri IV dans sa répugnance à laisser les femmes se mêler d’araires sérieuses. » Rarement prophétie fut démentie d’une façon plus éclatante par les faits.

Dès le moment où Mme de Pompadour fut maîtresse déclarée du souverain, elle sut prendre sur lui un ascendant que n’avait eu jusqu’alors aucune de ses maîtresses, que n’avait eu nul homme d’État, sans excepter même le cardinal de Fleury.

Quelles sont les causes de cet ascendant ? Elles nous apparaissent comme assez complexes. C’est d’abord, sans doute, l’attrait physique que, dès le jour de la première entrevue, le roi ressentit pour sa maîtresse qui, effectivement, pouvait passer lors de sa présentation pour l’une des plus jolies femmes et des plus gracieuses de la cour. Mais il semble bien que chez Louis XV, le plus volage des hommes pour l’amour physique, cet attrait sensuel ait passé assez vite.

La marquise, lassée par les pratiques de l’existence de Cour, par la vie de déplacements continuels que lui imposait XV, sans compter par la préoccupation épuisante de maintenir son crédit, vit de bonne heure son teint jaunir, ses traits se creuser, sa poitrine tomber et maigrir. D’autre part, certaines confidences fort suggestives qu’elle fit à plusieurs de ses amies nous la montrent comme très froide et s’efforçant, par toutes sortes de moyens médicaux ou

  1. D’Argenson. Loc. cit.