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leurs pas d’illusions sur le rôle véritable des femmes, et d’Argenson note fort bien que les femmes servent, parfois inconsciemment, les partis qui, par leur moyen, se livrent à une guerre sournoise et cruelle marquée de mille noirceurs et « des ingratitudes atroces », et que lorsqu’un homme, un parti veut influer sur le roi ou sur un ministre, il lance en avant une femme qui, avec souplesse et intelligence d’ailleurs, préparera pour lui le terrain.. Et un homme comme Besenval, dont la pénétration est certes bien moins grande que celle du clubiste de l’Entresol, notera fort justement, lorsqu’il parle de l’action politique de la comtesse de Polignac, qu’elle n’ose prendre une décision sans connaître l’avis de son amant, le comte d’Adhémar, « s’étant trop mise dans ses liens pour penser autrement que lui[1] ». Bien que la plupart des contemporains et Goncourt après eux aient cru voir, dans le gouvernement féminin, le ressort de toutes choses, les femmes, quelle qu’aient pu être leur activité, leur intelligence, leur bon sens, n’ont été la plupart du temps que les instruments dont se sont servis d’autres personnalités souvent tenues dans l’ombre pour influer sur le gouvernement et l’opinion. Il n’en est pas moins vrai que la part prise par les femmes aux intrigues de la Cour et de la ville est un trait original de la vie politique du xviiie siècle.


vi. Politique personnelle féminine
(Mme  de Pompadour et Marie-Antoinette)


Certaines femmes, cependant, en ce siècle des favorites et des reines-maîtresses comme Marie-Antoinette, n’ont-elles pas eu une politique personnelle et dans quelle mesure ? C’est ce qu’il s’agit maintenant de déterminer.

« La marquise de Prie, au dire de Barbier, gouverna l’État pendant deux ans…, elle eut du génie et de l’ambition, disposa de toutes les places » ; mais eut-elle véritablement une politique personnelle ? Il semble bien qu’on doive répondre non et qu’elle ait seulement mis son intelligence, son habileté, sa séduction et son esprit d’intrigue au service du duc de Bourbon[2].

Les premières maîtresses de Louis XV n’exercèrent, elles, aucune action politique. Mme  de Mailly, peu ambitieuse pour elle-même, aimant le roi d’un amour désintéressé[3], bien que « haute comme

  1. De Besenval. Mémoires.
  2. Cf. Thirion. Mme  de Prie.
  3. « Elle resta pauvre au milieu de sa faveur…, portant du linge troué, sentant la misère. » (D’Argenson. Mémoires.)