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par amour, dilettantisme ou esprit familial, mais par intérêt, et la femme d’affaires, celle qui, plus ou moins secrètement, s’associe avec les traitants et fermiers généraux, est alors un type assez commun[1].

Dans la distribution du bail des fermes et des principales affaires dépendant de l’État, l’action féminine est un levier des plus puissants et fréquemment employé pour le plus grand avantage de leurs intermédiaires par les intéressés. Très nombreuses — aussi nombreuses que les grands seigneurs — sont les femmes de la Cour qui ont des parts — dites croupes — dans les bénéfices des hommes d’affaires. Les femmes de ministres sont les premières naturellement à user ainsi de leur influence. Mmes de Maurepas, Amelot, de Fulvy, déclara un jour Mme de Mailly au cours d’un petit souper du roi, touchaient des pots de vin sur les affaires de la Compagnie des Indes[2]. Parfois, des scandales éclatèrent ; Mme de Listenay, l’une des sœurs de Mme de Mailly, fut convaincue d’avoir touché d’un fermier général la somme de cinquante mille livres[3] ; Mme de Saint-Florentin, que la rumeur publique désignait comme la maîtresse de Machault, fut réputée pour n’avoir aucun scrupule à vendre son influence sur le contrôleur général[4].

v. Les femmes dans les cabales de Cour

Sans doute, n’est-ce pas un trait absolument particulier au xviiie siècle que de voir la femme intriguer pour pousser ses protégés aux charges et emplois de l’État ou même user de son influence pour obtenir des affaires lucratives et, si elle l’a fait plus largement au xviiie siècle, elle l’a fait à d’autres époques également et aussi bien à Rome même, au temps de Cicéron, que de nos jours. Mais ce qui est plus particulier à l’époque qui nous occupe, c’est la place tenue par les femmes dans le jeu des partis, c’est-à-dire dans la vie politique du royaume, presque entièrement concentrée à la Cour. Lorsqu’on essaie d’étudier cette histoire des partis politiques sous Louis XV et Louis XVI, histoire qui serait si intéressante, si instructive et qui n’a pas encore été écrite, on est surpris de voir quelle place les femmes tiennent dans ces partis. Presque toujours, en effet, c’est sur une femme ou plusieurs qu’ils comptent

  1. Cf. Dancourt. La femme d’intrigues.
  2. Barbier. Loc. cit.
  3. D’Argenson. Loc. cit.
  4. Ibid.