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qui jetèrent quelques rayons de gloire dans la défaite. Contades, de Broglie, furent nommés dans les mêmes conditions[1].

Mais c’est plus la faveur ou l’amitié personnelle que la capacité qui en est, en définitive et malgré les meilleures intentions, écoutée, et le résultat a condamné dans l’ensemble ce système. Pour la même raison, la France a combattu souvent à armes inégales dans la lutte diplomatique. Combien d’ambassadeurs n’ont d’autres titres que la faveur d’une favorite ou plus tard de la reine ou d’une de ses amies et à combien s’applique ce mot d’un contemporain au sujet de M. d’Adhémar à l’ambassade de Londres, « que rien ne le destinait à un poste si important et par lequel il n’était pas préparé, sinon la faveur de sa protectrice, la comtesse Jules de Polignac[2]. »

Qu’il s’agisse de pourvoir une intendance ou un poste fructueux de commis des finances, c’est l’action féminine encore que nous trouvons présente. Nombre de femmes sont douées, comme Mme  Méliand, belle-mère de d’Argenson, d’un véritable génie de l’intrigue qui leur permet de faire nommer leurs maris conseillers d’État !

Mme  de Tencin, la maréchale de Mirepoix, Mme  d’Estrades, cousine de Mme  de Pompadour, la princesse de Conti, Mme  de Grammont, sœur de Choiseul, plus tard la comtesse Jules de Polignac et la princesse de Lamballe, voilà, presqu’autant que les favorites, celles qui font pourvoir de leurs places d’innombrables magistrats, commis et fonctionnaires de tout ordre. Il semble d’ailleurs qu’en général, l’attribution des intendances, par exemple, soit restée un peu plus en dehors des intrigues féminines que celle des autres postes. Du moins voyons-nous plus rarement les femmes intervenir dans ces nominations qui d’ailleurs furent relativement peu nombreuses[3]. Nous savons cependant qu’elles n’échappent pas non plus aux intrigues féminines. C’est en partie aux démarches de sa belle-mère que d’Argenson dut son poste d’intendant du Hainaut[4]. Pour les postes moins honorifiques que lucratifs, tels ceux de directeur d’Opéra ou de fermier des jeux, l’intrigue féminine se donne libre carrière. La plupart du temps ce sont les femmes légitimes ou les maîtresses qui obtiennent de leur mari de telles places pour leurs protégés. Enfin, comme le remarque encore Montesquieu, à qui il faut toujours revenir, les femmes agissent non seulement

  1. Lettres de Mme  de Pompadour.
  2. Besenval. Mémoires.
  3. Cf. Ardaschef. Les intendants de provinces sous Louis XVI.
  4. D’Argenson. Loc. cit.