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Enfin, parmi les femmes nobles qui fréquentent la Cour et les salons, certaines mènent en marge de la société une vie d’expédients. Deux exemples caractéristiques : Mme de Carignan, dont les pressantes démarches obtiennent, pour un mari débauché et malhonnête, des charges qui lui permettent, quoique ruiné, de mener la grande vie[1] ; Mme Cahouet de Villers qui, excipant d’une prétendue amitié de la reine Marie-Antoinette et par le moyen de fausses lettres de change, réussit à extorquer à des marchands ou à des financiers des sommes assez considérables[2].

Aussi la société féminine de la Cour et de la ville est, comme la société masculine, assez diverse par l’origine ; entre les femmes comme entre les hommes, il y a maintes différences de conditions qui se manifestent par une hiérarchie assez stricte et, surtout à la Cour, les complications de l’étiquette, l’extrême importance des questions de préséance.

Toutes ces femmes, cependant, mènent une vie qui, par bien des traits, est analogue, profondément différente au contraire de la vie des femmes nobles qui restent dans leurs terres ou des bourgeoises qui ne touchent ni de près, ni de loin à la Cour.

iv. Les femmes et la nomination aux emplois

Comment se manifeste l’action féminine dans la vie politique et administrative ? D’abord, comme l’ont fait remarquer Montesquieu et Mercier avec une netteté et une profondeur saisissantes, par l’attribution des places et charges de l’État, depuis celle du secrétaire d’État jusqu’à celle de commis des finances. Le nombre des ministres qui doivent leur élévation à des influences féminines est considérable : le cardinal de Fleury mis à part, c’est la plus grande partie des secrétaires d’État du règne de Louis XV ; Ravot d’Ombreval, devenu lieutenant de police grâce à Mme de Prie[3], Chauvelin, élevé grâce à Mme de Mailly[4], Machault amené au pouvoir par Mme de Pompadour et après lui de Puisieulx, de Saint-Contest, de Bernis, Choiseul ; le triumvirat avec son chef le duc d’Aiguillon, amené au pouvoir par Mme du Barry ; le comte de Saint-Germain, de Ségur, de Castries, puis Lomenie de Brienne, imposés à Louis XVI par Marie-Antoinette.

  1. D’Argenson. Loc. cit.
  2. Mme Campan. Loc. cit.
  3. Thirion. La marquise de Prie.
  4. D’Argenson. Loc. cit.