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« Toute cette vie serait bien jolie si la v… ne s’en mêlait si promptement, ce qui rend toutes ces belles dames horribles, de sorte qu’en trois années elles passent d’être la fleur des pois à devenir d’infâmes gratte-culs et leur race sont de petits rabougris. »

Sans entrer, lui, dans des détails médicaux, le comte de Ségur porte, sur la dissolution du lien marital, la même appréciation : « Beaucoup de femmes, dit-il, oublient toute retenue et contractent de nouveaux nœuds avec solennité. Les maris, de leur côté, subissent leur sort sans murmure, ridicules par le fait, mais cessant de l’être par l’usage, voyant à peine leur femme et semblant ne tenir à elle que par leur nom[1]. »

Le même son de cloche nous est fourni par Besenval qui nous montre toute femme mariée concluant à son gré des unions libres sans qu’y trouvent à redire l’opinion commune ni le mari intéressé[2].

Quoi qu’il en soit, toute étude approfondie de la haute société montre que la femme qui en fait partie possède, de ce fait même, une liberté sentimentale presqu’absolue, que les prérogatives maritales sont toutes conventionnelles et que le mari n’use que rarement, et contre l’opinion du monde, des droits que lui confèrent les lois civiles et religieuses.

Libres en fait, malgré les lois, les femmes de la haute société se sont également émancipées par l’esprit. Leur éducation a eu beau être fort négligée, elle leur a fourni une base suffisante pour s’assimiler, lorsqu’elles sont lancées dans le monde, les principaux ouvrages du grand siècle et se tenir au courant des écrits de leurs contemporains. Sans doute ne possèdent-elles pas la forte culture classique des hommes, mais elles suppléent à la science par l’esprit de finesse, le sens psychologique et une intuition qui leur permet d’avoir la compréhension des grands problèmes, sans en faire une exacte analyse. Il serait exagéré, évidemment, d’attribuer à toutes les femmes de la Cour, comme le veut l’auteur de la Femme au xviie siècle, des facultés de pénétration hors de pair et un réalisme tel que nul parmi les plus grands connaisseurs d’hom-

  1. De Ségur. Influence des femmes.
  2. Il faut citer encore ce mot d’un cynisme bien caractéristique rapporté par Bachaumont : « Le comte de Guiche se plaignait à sa mère de l’infidélité de sa femme. — Croyez-vous que vous êtes de votre père ? répliqua la douairière. »