Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/106

Cette page n’a pas encore été corrigée

deur combative du clergé, la pensée réformatrice d’un Machault, d’un Choiseul, d’un Turgot, la lente décomposition d’un régime. Mais ces causes premières une fois données, la femme intervient au cours de tous les événements qui en résultent pour en modifier le cours à sa manière. Parfois, elle a une politique personnelle, plus souvent les divers partis se servent de son influence pour faire triompher leurs vues et placer à la Cour, dans les ambassades, des hommes de leur choix. Et bien souvent ce qu’on appelle politique féminine n’est qu’un trompe-l’œil où, plus que les contemporains eux-mêmes, s’est laissé prendre l’histoire.

Mais ces réserves faites, il est bien évident que la pensée de Goncourt est en grande partie justifiée, qu’au xiiie siècle, les femmes apparaissent comme un des rouages essentiels de la machine politique, un organe de transmission indispensable, qu’elles interviennent dans toutes les affaires publiques, dans la politique comme dans l’administration et que le goût de l’intrigue, la passion de la politique furent aussi développés alors parmi les femmes que parmi les hommes.

a) Émancipation de la femme noble à la Cour par le relâchement du mariage

Celles qui vivent à la Cour, dans l’entourage du roi, princesses du sang ou dames de la haute noblesse, ou qui trônent dans leurs salons, grandes dames également mais aussi femmes de secrétaires d’État, de grands parlementaires, de riches fermiers généraux et à qui leur situation officielle ou leur fortune permet de frayer avec le monde de la Cour, sont pratiquement et, malgré toutes les dispositions contraires de la loi, des émancipées.

Pour elles, le joug marital est bien léger. Sans doute, n’ont-elles, comme par le passé, nulle liberté dans le choix de l’époux et continuent-elles de faire des mariages de convenances où la libre inclination du cœur n’a presque aucune part.

Comment se conclut dans la société un mariage ? Écoutons un contemporain dont la plume satirique force bien rarement la réalité :

« Un père au petit matin pénètre dans la chambre de sa fille et lui annonce qu’il a décidé de la marier.

« — Il est toujours bien cruel, dit la jeune fille, d’être livrée à un homme que l’on ne connaît pas. — Bien ! est-ce que l’on connaît jamais celui ou celle que l’on épouse ? Ton futur ne te connaît pas