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une certaine interprétation de ses poésies fournit contre elle des arguments, les accusations de ses adversaires sont notoirement absurdes et calomnieuses et l’histoire de son amant insensible, Phaon, est pure mythologie… Peu importe d’ailleurs, car ceci tout au moins est hors de doute : Sapho fut l’une des grandes individualités féminines de la Grèce, et comme telle devint un drapeau autour duquel se rallièrent plus tard les féministes. N’a-t-elle pas eu d’ailleurs une destinée plus haute que celle de toutes les autres femmes grecques ? Elle appartient à l’une des grandes familles d’Érisos ; elle prend part aux luttes politiques. Les démocrates vainqueurs l’exilent ; et elle s’enfuit en Sicile. Le tyran Pittakos la rappelle et de nouveau elle accorde sa lyre, composant, pour l’admiration de ses contemporains et de la postérité, des chants d’amour dont aucun poète en aucune langue n’a dépassé l’éclat, la fraîcheur, la tendresse et surtout la farouche passion. Elle est comblée d’honneurs par Mitylène où elle a établi sa résidence : autour d’elle se pressent les chœurs gracieux des jeunes filles auxquelles elle enseigne les lois de la poésie et la lyre heptacorde. Après sa mort, sa cité natale, Érisos, frappe des monnaies à son effigie. Sort extraordinaire que ne connurent pas les autres poétesses, ni Andromède et Gorgo ses compatriotes, ni Corinne, grande par son élève Pindare, ni Myrtis, rivale malheureuse du plus grand des lyriques, ni Télésille l’Argienne, qui sut, sa patrie menacée, quitter le luth pour l’épée.

Ainsi, chez les Doriens de Crète et du Péloponèse, la femme vit parmi les guerriers, délibère avec