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daine, préface d’un plus complet affranchissement.

Des femmes figurent parmi les apôtres de la nouvelle doctrine ; l’une d’elles, Consolation des Yeux, préside les conciles où se fixe la foi et, peu après le supplice du maître, monte sur le bûcher. Ainsi le bâbisme était susceptible de rénover, sans faire appel à l’Occident, la femme musulmane. Les circonstances ne le permirent pas, et c’est la culture européenne, répandue à flots en Orient, c’est l’effervescence amenée par tous les extraordinaires événements politiques des premières années du vingtième siècle qui, du Danube au golfe Persique, suscitèrent un véritable mouvement féminin.

Que de souffrances sentimentales chez les femmes de l’aristocratie turque, ces jeunes filles « qui lisent Dante, Byron, Shakespeare dans le texte original, qui déchiffrent les partitions de Vincent d’Indy… » et qui, « élevées en enfants prodiges et en bas-bleus, sont traitées en odalisques et en esclaves » ! Ce n’est pas seulement notre grand poète, Loti, qui recueille de douloureuses confidences ; ce sont toutes celles qui ont pu pénétrer dans ces harems, meublés à l’européenne, où habite une seule épouse et d’où ont disparu, avec les moucharabiehs, les divans et les vasques où bruissait, mélancolique, le jet d’eau parfumée, la foule des paresseuses odalisques. Par l’instruction supérieure qu’on lui dispense, la jeune fille turque a eu, sur les lumineux horizons d’Europe et d’Amérique, une échappée. Puis le mariage, conclu sans la consulter à la mode ancestrale, referme brutalement la porte entre-bâillée. Elle n’est plus assez simple pour être, comme ses ancêtres, heureuse quand même avec l’époux inconnu ; et elle