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adolescentes, elles décident, touchées d’une grâce mystique, de consacrer leur vie à la cause ; Grande, de traits nobles et, dans un visage fatal, des yeux sombres, Sylvia apparaît presque comme une Frédérique, sans que sa sœur Christabel ait rien dans sa physionomie tourmentée de la grâce de Léa. À côté d’elles, leur bras droit Annie Kenney, sortie des rangs du peuple, ouvrière d’usine qui s’est elle-même instruite et dont la figure gracieuse et poupine de baby dissimule une farouche énergie. Toutes trois sont des apôtres dont le regard, droit fixé sur le but, refuse de se détourner vers le monde, dont l’intransigeance, la raideur, voire l’apparente folie seront celles de tous les mystiques, de tous les illuminés qui se jugent investis par la Providence d’une sainte mission. Les temps sont venus, et si l’affranchissement des femmes ne se peut réaliser que dans un bouleversement d’Apocalypse, que soit faite la volonté du Seigneur.

Dès 1903, résonne le cri de guerre : Votes for women, et lorsqu’elle l’entend, lorsqu’elle apprend la formation de l’Union Sociale et Politique des Femmes (Womens Social and Political Union), voilà l’Angleterre prévenue que les suffragistes modérées, qui, groupées autour de Mrs. Fawcet, poursuivent depuis plus de quarante ans, et somme toute avec succès, l’œuvre d’affranchissement, ont cessé de représenter à elles seules le féminisme anglais et qu’à quelques impatientes leurs prudentes méthodes d’action parlementaire ont cessé de plaire. Et celles-ci seront si bruyantes, et leurs manifestations égayeront, étonneront, effrayeront si bien le monde que, hors des frontières britanniques, on identifiera bien-