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cela à notre Française du moyen âge — est la chose de son mari, qui détient sa liberté (une femme mariée n’a pas le droit, par exemple, d’obtenir un passeport séparé) et sa vie ; et cependant, noble ou paysanne, elle exerce des droits politiques. Propriétaire, elle pourra concourir à l’élection des membres des zemstvos ou de la douma ; simple habitante d’un village, elle contribuera à l’administrer, et souvent tels bourgs, d’où pendant la saison d’été tous les hommes émigrent pour des travaux temporaires, connurent une administration exclusivement féminine. Jusqu’aux toutes dernières années, nulle aspiration, nulle révolte chez cette femme de moujik, façonnée par des siècles de servitude. Mais, tandis qu’Alexandre II libère les serfs, la noblesse émancipe son esprit. Et dans cette intelliguenza qui, sous les trois derniers Romanoff, joue dans, la vie sociale de la Russie un si grand rôle, les femmes tiennent leur place, et très vaste. Les jeunes bourgeoises, les aristocrates parfois, fréquentent les universités. Les voilà étudiantes en lettres, en sciences, en droit et, depuis 1877, date où la première fut attachée à l’armée russe des Balkans, doctoresses. Leur âme généreuse, vibrante et mystique, avide d’action et de rêve, se laisse fasciner par les promesses des nihilistes annonciateurs de l’âge d’or. Elles quittent, pour aller au peuple, fortune et promesses d’amour. Servantes d’une idée, elles se dévouent jusqu’au total sacrifice. De frêles jeunes filles furent souvent les plus redoutables adversaires de l’Okhrana, les plus implacables ennemies des fonctionnaires bourreaux, des ministres et des tsars : telle Vera Zassoulitth qui, fillette encore, portait les