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leur a parlé d’amour. » Cette conception sociale un peu courte leur suffit, et ils n’abordent aucun des difficiles problèmes psychologiques ou économiques que soulève un tel bouleversement des mœurs officielles.

Enfantin, lui, voit plus loin ; pour lui l’humanité se divise en trois catégories : les constants, faits pour le mariage indissoluble, à l’ancienne mode ; les mobiles, à qui conviennent les mariages successifs, sans aucune règle, sans aucune limite ; les calmes, qui, réunissant la nature du constant et celle du mobile, « joindront à un mariage permanent une série d’unions passagères ». Donc polygamie qui va presque jusqu’à la communauté des femmes ; polyandrie, puisqu’une même femme peut avoir plusieurs maris, et même matriarcat : à la femme, en effet, déclare Enfantin, de juger s’il est convenable que l’enfant connaisse son père.

Le triomphe de ces idées eût-il relevé la condition sociale de la femme ? On en peut douter si l’on remarque que, dans la petite communauté saint-simonienne, la place officielle des femmes alla sans cesse en diminuant. Nulle ne fit partie du Conseil suprême ; en 1831, une encyclique d’Enfantin les exclut de la hiérarchie. Exclusion provisoire, puisque, à côté de la sedia du Père, un trône vide attendait la Mère, seule qualifiée pour briser le sceau mystique qui scellait les liens de la femme.

La Mère, des apôtres de la doctrine nouvelle, jugeant qu’elle surgira, comme le premier Rédempteur, de l’Orient, s’en furent la chercher jusqu’en Égypte.

Un grand nombre de femmes suivirent, aux rives