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monieuses Cyclades, comme à Mycènes et Tyrinthe, comme sur les rives du Scamandre arrosées du sang de Patrocle et d’Hector, s’élevèrent, deux mille ans avant l’Iliade et l’Odyssée, de riches et puissantes cités. Là, derrière les murs cyclopéens couronnés de tours fières, percés de portes que surmontent des lions affrontés, à l’ombre des palais massifs où trône le roi-prêtre, vit un peuple aussi différent des concitoyens d’Alcibiade que, de nous-mêmes, les sujets de Vercingétorix. Les femmes, étrangement modernes avec leurs robes à volants, leurs corsages décolletés, leur taille serrée dans le corset, leurs manches à gigot et les accroche-cœur qui ombragent leur front, apparaissent bien ici comme les égales des hommes.

Il semble même que ce n’est pas égales qu’il faudrait dire, mais supérieures. Considérons les faits suivants. La plupart des statues sorties récemment du sol Crétois ou chypriote sont des statues féminines. Féminine la grande divinité, la déesse-mère, symbole de l’éternelle fécondité de la nature et qui dans la mythologie grecque sera, selon que les poètes considéreront tel ou tel de ses attributs, Héra, Déméter ou Vénus Anadyomène. Féminines ces figures qui, façonnées dans le bronze, peintes de couleurs éclatantes sur les murs des sombres hypogées, gravées sur le chaton des bagues, font les gestes d’adoration, se suivent en processions majestueuses, exécutent les danses rituelles autour des divinités tutélaires, cueillent les fruits de l’olivier sacré. Pas un prêtre parmi ces prêtresses. Hasard peut-être. Mais bien plutôt preuve que, comme un vieil historien grec le dit des Lyciens, les ancêtres des Hellène, « estimant plus les femmes que les hommes », les