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dues pour la société ! « Si l’on veut que leur vertu soit utile au public, il faut qu’elles aient une existence civile, mariées ou non mariées. »

Mais il faut les préparer à cette existence utile ; donc entièrement renouveler leur éducation. Prenant juste le contre-pied de la thèse de Rousseau, Mary Woolstonecraft affirme que les deux sexes sont faits pour vivre ensemble et qu’il faut, dès l’enfance, les habituer à cette communauté de vie. Pour cela, un seul moyen, l’éducation mixte ; la femme sera élevée comme les hommes, et avec les hommes ; elle apprendra les mêmes choses, et de la même façon.

Et qu’on ne craigne pas qu’ainsi elle perde cette beauté en laquelle certains voient sa raison d’être ; elle restera belle, mais d’une autre façon, avec moins de cette mollesse affectée, qui est la conséquence et en même temps la cause de sa servitude ; l’harmonieux équilibre d’un corps rompu « aux fatigues, qui servent à tremper l’âme », aura sa grâce également.

Instruite dans tous les arts utiles, elle pourra, si l’appui de l’homme vient à lui manquer, se faire un établissement par sa propre industrie ; qu’elle dirige une ferme, tienne une boutique, rien de plus naturel, et rien de plus naturel aussi que de la voir étudier la médecine et la pratiquer, comme tout autre métier masculin.

Ainsi le féminisme de Mary Woolstonecraft a, lui, une base économique ; voilà la grande nouveauté. L’égalité des sexes est autre chose qu’une controverse littéraire, autre chose qu’une question d’orgueil, ou même, comme le pense Condorcet, de principes. C’est, pour la femme pauvre, celle même de son existence.