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Mary Woolstonecraft, champion des femmes. — La vie de Mary Woolstonecraft, dont, à peu près au même moment où retentissaient en France les plaidoyers d’Olympe de Gouges et de Condorcet, le féminisme passa le détroit, n’est pas sans présenter avec celle d’Olympe quelque analogie. Cependant, il faut noter que, chez la jeune Anglaise, ce fut moins le raisonnement théorique qu’une douloureuse expérience personnelle qui la conduisit au camp des rebelles.

Cette splendide jeune femme, au port de déesse, aux grands yeux sombres, au teint chaud, à la magnifique chevelure et qu’une de ses biographes compare à un personnage du Titien, eut une enfance malheureuse. Elle vit maintes fois son père, ivrogne invétéré, battre sa mère ! Elle fut la confidente des plaintes d’une sœur mal mariée qui, sur ses conseils, quitta, telle une héroïne d’Ibsen, le foyer inhospitalier. Elle s’aperçut qu’une fille pauvre ne trouve pas toujours dans le mariage sa destinée, et qu’une société, où rien ne vient lui permettre de faire autrement sa vie, est étrangement mal bâtie. Pour elle du moins, elle trouve, telle quatre siècles auparavant Christine de Pisan, le moyen d’échapper à la servitude. Elle devient femme de lettres, et elle est le chef de file de toute cette grande lignée de femmes auteurs qui donnera à l’Angleterre, au cours du siècle suivant, de si notoires écrivains. Son nom fût cependant resté dans l’ombre, car son talent littéraire était médiocre, si elle n’eût, en 1790, écrit