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plaintes, la société est douce ; c’est qu’il ne peut être question de conquérir une liberté politique qui n’est pas même l’apanage des hommes. Et seul le droit de suffrage, symbole aux yeux des hommes comme des femmes de toutes les libertés, est une Toison d’or assez éclatante pour susciter les enthousiasmes révolutionnaires. Donc, s’il y a au dix-huitième siècle des féministes, il n’y a pas encore de mouvement féministe. D’ailleurs, on peut penser que l’ancien régime n’aurait pas vu d’un œil très favorable des groupes d’hommes ou de femmes saper les bases religieuses et morales de la société. Or le clergé aurait considéré comme tel le féminisme qui niait la supériorité de l’homme, décrétée par les saintes Écritures, et l’autorité du mari, consacrée par les canons de l’Église. Et peut-être est-ce là, en dernière analyse, la cause pour laquelle, le préjugé masculin résistant à l’universelle critique, il ne s’est pas formé un courant féministe assez fort pour, au moment où avec la Bastille tombaient toutes les barrières, établir d’emblée cette complète égalité des sexes que commandait la raison.