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la mode et de ramener en de justes bornes le luxe effréné des nouvelles riches, mais encore de trancher toutes les questions relatives aux intérêts et au bonheur du sexe féminin. Nous devons gagner sur les hommes les fonctions publiques, ajoute-t-elle, sauf, bien entendu, celles qui exigent l’épée.

Une comédie comme celle de Chappuzeau est une preuve que, dans la bourgeoisie même, le féminisme gagnait du terrain. Cependant, le féminisme théorique et pratique, qui au milieu du dix-septième siècle semblait prêt à rallier sous ses bannières l’élite française[1], brusquement s’éclipse. Pendant une cinquantaine d’années, on n’entendra que la voix des détracteurs du beau sexe : Boileau qui renouvelle contre les femmes la satire de Juvénal, Molière qui crible Précieuses et femmes savantes de ses traits les plus mordants, La Rochefoucauld, Saint-Évremond qui montrent la femme mue par les sens plus que par l’intelligence, par le cœur plus que par l’esprit et, comme les modernes psychologues, la voient capricieuse, inquiétante et déraisonnable. À l’épopée cornélienne, qui montre des héroïnes se haussant par la volonté, la maîtrise de soi, an niveau des politiques et des guerriers, théâtre féministe celui-ci et qui contribue à influencer bien des frondeuses, est substituée la racinienne élégie, où la femme, se laissant aller sans résistance aux impulsions de sa nature, n’est plus qu’un être illogique et passionné. Nulle femme d’ailleurs ne proteste. C’est que, quelle que soit l’idée que l’on se fasse de la nature

  1. Les apologies du beau sexe étaient nombreuses ; non seulement à Paris, mais en province des hommes, des femmes, des jeunes filles en rédigeaient.