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qui, brave pour deux, et tandis que son père grelotte au Luxembourg d’une fièvre feinte, va secourir Orléans menacé ; la voici rentrant, par la brèche, dans la capitale de l’apanage familial, tandis que ses sémillantes officières, Mmes de Fiesque et de Frontenac, charment les bateliers de la Loire ; la voici haranguant avec éloquence la foule orléanaise et la ramenant facilement dans l’obédience de Gaston ; présidant le conseil de guerre et passant en revue les régiments frondeurs ; la voici, plus tard, vraie reine de Paris, de ce Paris dont le coup de canon historique ferme la porte aux troupes royales et l’ouvre à Condé. Sans doute, chez elle, aucune politique précise, et le seul désir de jouer aux héroïnes cornéliennes, mais une énergie, une intrépidité, un esprit de décision vraiment masculins.

Plaçons encore, à côté de ces premiers rôles, une Mlle Gerbier, cette jolie jeune fille qui fut à dix-huit ans chef d’état-major de l’armée de la princesse de Condé, cette princesse palatine qui fut pendant dix ans la cheville ouvrière de toutes les intrigues, cette maréchale de Guébriant que ses talents, et non les services exceptionnels de son mari, firent nommer ambassadeur en Pologne et qui sut, avec une vigueur et une habileté surprenantes, soutenir à Varsovie le prestige et les intérêts de la France avant de chevaucher, elle aussi, dans la guerre civile pour le compte du roi ; et remémorons-nous encore ces Précieuses qui ne furent pas toutes ridicules et qui, jalouses de ramener à Paris le brillant et la douceur de vivre du siècle des Valois, polirent à la fois la langue et les mœurs françaises, courbèrent sous la puissance d’Éros les rudes sabreurs,