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ses raffinements. La femme, plus subtile, triomphe dans de tels jeux. Sa domination, la déclaration d’amour la consacre ; la formule de cette déclaration, c’est celle même de l’hommage au suzerain : « Madame, dit le soupirant, c’est de vous que je tiens mon cœur, mon corps, mon esprit et mon savoir ; c’est de vous que je veux être toute ma vie le loyal serviteur pour vous garder d’injures et de mal et employer tout mon savoir à exalter votre mérite. » Le voilà donc devenu le vassal de celle qu’il aime, et celle-ci son seigneur.

Or cette déclaration d’amour, que de fois elle fut répétée sur les rives de la Garonne d’abord, où commencèrent de fleurir les cours d’amour, puis dans les pays plus rudes de la langue d’oïl, où bientôt la mode les établit ! Combien de chevaliers furent ainsi les vassaux spirituels des nobles dames ! Conventions mondaines, jeux subtils, dira-t-on ; sans doute, mais conventions toutes-puissantes et jeux qu’une élite masculine et féminine prenait fort au sérieux. Et l’exaltation de l’amour, la liberté que l’usage, sinon les lois, laisse à la femme de choisir, en dehors du mariage, une âme sœur, l’ascendant que dans le duel sentimental la femme prend sur l’homme assurent à celle-là une véritable suprématie sur celui-ci. La chevalerie est l’âge de la femme, et elle réalise pour la femme noble, du moins, déjà largement pourvue de droits et de prérogatives politiques, mais toujours soumise à son mari et passant sa vie sous l’ombre du château féodal, une première émancipation.

Car, c’est là un caractère commun au treizième siècle et au dix-huitième siècle, l’un et l’autre épo-